Par Jan Hoet, cicm
Cette année j’ai 47 ans de vie missionnaire en Haïti (1967 – 2014). Ma conception sur la mission a bien évolué au cours de ces 47 ans. Ceci me porte à partager la réflexion qui suit :
La mission n’est certainement plus ce qu’elle semblait être pour beaucoup de gens du temps de la colonisation : convertir des païens ou, plus tard, apporter la vraie foi et le développement à des gens pauvres et illettrés. Au temps de ma formation, c’est un petit peu cette dernière vision qui était de mise.
Actuellement je veux plutôt identifier un missionnaire de la manière suivante.
Un vrai missionnaire c’est quelqu’un qui se comporte comme un citoyen du monde en partant d’une inspiration chrétienne. Il est un étranger dans son pays d’origine aussi bien que dans le pays où il vit comme missionnaire. Il prend note de cette réalité en toute sérénité sans que cela le rende malheureux. Il essaye d’être présent dans la société qui l’accueille d’une façon humble et attentive, plein de gratitude pour le fait d’être accepté par les membres de cette société.
This spare wheel is rather invisible. It is the driver who decides on the objective of the trip. The missionary is a passenger on an anguishing road, because the driver is driving recklessly without respecting the traffic rules.
Un vrai missionnaire relit l’évangile dans le contexte où il vit dans son nouveau pays, et se dispose à relire l’évangile ensemble avec les gens. Il veut s’asseoir ensemble avec ses nouveaux amis dans leur réalité de pauvreté, d’exploitation, d’insécurité et d’instabilité politique, à la recherche des moyens pour en sortir. Il veut chercher ensemble avec eux comment retrouver une vraie dignité humaine et il partage leurs frustrations et impuissances.
Un vrai missionnaire est la roue de rechange de la vielle jeep avec lequel il doit faire ses déplacements. Il ne veut pas être le chauffeur. Cette roue de rechange est plutôt invisible. C’est le chauffeur qui définit le but du voyage. Le missionnaire est un passager sur la route, pleine d’angoisses parce que le chauffeur conduit d’une façon téméraire sans respecter les règlements de la circulation.
Un vrai missionnaire veut ôter de son esprit qu’il sait tout et que les valeurs qu’il connaît et apprécie sont les meilleurs.
Il essaye de devenir haïtien avec les haïtiens sans pourtant perdre sa propre identité. Il reste conscient du fait qu’il est étranger. Il reste lui même d’une façon sincère et rend témoignage d’une manière humble de ce qui l’inspire et des motivations de son comportement et de ses actions. Il veut être un miroir pour ceux qui sont différents de lui de façon qu’ils puissent mieux se reconnaître et découvrir leurs propres valeurs et leurs propres richesses en se trouvant en face de quelqu’un de différent.
Le missionnaire n’est pas un professeur qui enseigne du haut de sa chaire pour apporter à ses élèves la connaissance et la « vérité », mais il est bien l’élève qui se laisse évangéliser par les pauvres et les petits de ce monde.
Le missionnaire est quelqu’un qui est heureux de pouvoir célébrer l’eucharistie ensemble avec des gens démunis pendant qu’il se laisse toucher par la profondeur des messages qu’ils découvrent dans la bible et par la force qu’ils puisent de cette partage de la parole et de la communion.
Oui, être missionnaire reste un défi captivant et de grande valeur.