Par Jos Das, cicm
Dans ma lettre de fin d’année, adressée à ma famille, bienfaiteurs et connaissances, j’avais écrit : « Je ne construis pas des églises, ni des écoles, je ne travaille pas pour un projet de développement, mais je travaille à la formation de l’homme ». Une religieuse a réagi à ces paroles et elle m’a félicité pour cette façon d’être missionnaire. D’autre part, je suis reconnaissant envers mes prédécesseurs qui ont construit ce beau Centre qui me permet d’être missionnaire dans le domaine de la formation permanente et de l’animation.
Ca fait 14 ans que le CTV-Mbudi, Centre Théophile Verbist a ouvert ses portes. C’est notre confrère, Feu le cardinal Frédéric Etsou qui l’a béni le 3 janvier 1998, fête de l’Epiphanie, fête éminemment missionnaire. Depuis l’ouverture, les équipes dirigeantes qui se sont succédé, ont élaboré progressivement un programme d’activités. Au début c’était principalement des retraites, mais en se limitant à ces activités, le Centre se trouvait la plupart du temps vide, et financièrement déficitaire. Les circonstances contraignantes ont obligé les responsables à réfléchir, comment le Centre pouvait jouer pleinement son rôle d’animation et de formation dans un esprit missionnaire et selon notre charisme cicm.
Actuellement, l’équipe organise des retraites, surtout pendant les mois de juillet, août et septembre, dont plusieurs sont animées par des confrères cicm. Pendant d’autres périodes de l’année, nous présentons des sessions d’une semaine sur un thème suggéré par des religieux et religieuses, comme e.a. « L’ennéagramme spirituel », « Maturité affective et humaine dans notre ministère », « L’exercice du leadership religieux » ; « La gestion des émotions »,« L’expérience du milieu de la vie ».
Depuis quelques années, l’équipedu CTV propose un programme de ressourcement en 12 semaines, appelé R-12, destiné à des religieuses, religieux et prêtres diocésains. L’objectif est d’aider les participants à évaluer leur propre vie sous tous les aspects : humain, psychologique, théologique, spirituel, apostolique, pastoral, communautaire. Des animateurs et animatrices compétents et expérimentés les accompagnent pendant les trois mois. Il s’agit d’une expérience communautaire qui se fait dans un environnement africain et la majorité des animateurs et animatrices sont des Africains, ce qui devrait conduire à un ressourcement qui colle à la vie concrète de chaque participant. Beaucoup font de cette période d’arrêt et de recul un temps d’action de grâce pour la bonté et la présence de Dieu dans leur vie.
D’autres la vivent comme un temps de guérison de blessures intérieures, un temps pour un nouveau départ. A la fin de la session les participants se rendent compte qu’ils viennent de prendre un nouvel élan pour une vie plus belle et plus épanouie, sous le regard de l’amour de Dieu. Une deuxième session, appelée R-6, qui en est déjà à sa 14e édition, est destinée à des hommes et des femmes appelés à un ministère de formation initiale dans l’Institut de vie consacrée auquel ils appartiennent. Six semaines, c’est peu.
Même dans une situation de précarité, il est nécessaire de faire ce qui est possible pour se préparer à cette tâche, car il s’agit de la vocation et de l’avenir de jeunes gens qui répondent généreusement à un appel de Dieu. Nous savons que c’est Dieu qui est le premier et principal formateur des cœurs,mais il n’agit pas dans le vide.
Sa sollicitude pour ceux qu’il appelle à suivre son Fils de façon radicale, passe par d’autres personnes, des aînés. Ceux-ci désirent accomplir cette mission avec compétence, avec confiance et dans un esprit de foi. Il s’agit donc d’une tâche de collaboration avec Dieu luimême. C’est donc plutôt une initiation au ministère de formateur ou formatrice. Cette initiation se veut surtout pratique, intégrée, proche des réalités du monde africain.
Les derniers temps, l’équipe du Centre a été sollicitée aussi par des supérieures religieuses pour demander un temps de formation intense comme préparation aux vœux perpétuels de leurs jeunes Sœurs. C’est ainsi que nous proposons cette année une première session de six semaines afin de répondre à ces demandes. Le programme consiste en trois volets. Le premier veut amener les religieuses à une connaissance de soi plus profonde.
Le deuxième volet veut les aider à approfondir la connaissance et la pratique de leur vie religieuse, en réfléchissant sur les trois vœux et la vie communautaire. Le dernier volet les aidera à mieux comprendre leur mission dans l’Eglise et dans le monde, en tant que religieuses, et à s’y engager avec enthousiasme.
L’ensemble du programme veut inviter les participantes à faire une relecture de leur vie religieuse en vue d’un engagement définitif en connaissance de cause, qui doit être une réponse de tout leur être à l’appel d’amour du Seigneur. La méthode est active et participative. Les intervenants introduiront les thèmes et inviteront les participantes à un travail en petit groupe, qui sera suivi par une mise en commun et des échanges supplémentaires. Un accompagnement personnel est prévu et est fort conseillé, afin que les participantes puissent approfondir et intégrer la matière reçue, éprouver leurs motivations et enraciner davantage leur vie religieuse en Christ.
Le CTV veut être un instrument au service de l’Eglise locale de la République du Congo en particulier, et de l’Afrique francophone en général ; au service des prêtres diocésains, des religieux et religieuses, toujours dans une perspective missionnaire.
Un ministère d’animation, de formation et d’accompagnement exige un esprit et une attitude d’accueil et d’écoute. Dire à tous ceux qui viennent vers nous, comme Jésus disait à ses disciples qui revenaient de leur mission : « Venez vous-mêmes à l’écart, dans un endroit désert, et reposez-vous un peu » (Mc 6,31). Oui, après plusieurs années d’engagement, chaque personne consacrée ressent le besoin de s’arrêter, de profiter d’un temps de ressourcement, indispensable pour la santé physique, psychologique et spirituelle. Notre ministère consiste à s’asseoir au bord du puits, comme Jésus avec la Samaritaine et écouter l’histoire de leur vie. Rejoindre des pèlerins sur la route, parfois découragés, fatigués, déçus et frustrés par les coups de la vie, et faire avec eux un bout de chemin, comme Jésus faisait avec les disciples d’Emmaüs, afin qu’ils puissent continuer la route, le cœur brûlant.
Ou encore, écouter dans le silence du soir des chercheurs de Dieu, comme Jésus accueillait Nicodème. Accueillir et écouter tous avec bienveillance, sans juger ou condamner. Les inviter à la confiance en Dieu qui connaît les cœurs et accueille chacun tel qu’il est, avec ses joies, ses peines et échecs, avec ses talents et ses limites. Le cas échéant, dire une parole de pardon, de miséricorde, de guérison à ceux qui se sont égarés quelque peu, comme Jésus disait à la femme adultère : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8,11). Enfin, les inviter à se laisser poser la question essentielle que Jésus a posée à Simon Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimestu ? » Une question qui peut alors susciter une nouvelle réponse, généreuse, humble mais enthousiaste : « Oui Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime » (cfr Jn 21,15 …17). A ce moment, ils entendront de nouveau l’appel du début : « Suis-moi ». Et avec le Seigneur ressuscité, présent au cœur de leur vie, ils peuvent aller loin, très loin.
Accueillir, s’asseoir, écouter, encourager, redonner confiance, ouvrir des horizons, être dans la joie avec ceux qui se réjouissent, partager les peines de ceux qui pleurent, affermir ceux qui doutent : n’est-ce pas cela que Jésus a fait ? En effet, chaque personne qui l’avait rencontré, reprenait sa route, transformée, renouvelée. Ainsi, nous essayons d’être missionnaires à la manière de Jésus.
Le jour où les participants, le cœur en joie, ‘descendent de la montagne’, quittent l’oasis de silence et de paix du CTVMbudi, et reprennent la route vers leur champ de mission, nos cœurs sont habités de sentiments d’action de grâce pour l’œuvre que le Seigneur a réalisée. Nous les accompagnons avec nos prières et nous faisons nôtres les paroles de S. Paul : « Je rends grâces à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous, en tout temps dans toutes mes prières pour vous tous. … Dieu m’est témoin que je vous aime tous tendrement dans le cœur du Christ Jésus. … Que votre charité croissant toujours de plus en plus s’épanche en cette vraie science et ce tact affiné qui vous donneront de discerner le meilleur » (Ph 1, 3 … 10)