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    De l’Administration générale

    « Afin que les petits comprennent »

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    Herman De VriendtPar Father Herman De Vriendt, cicm

    Dès mon arrivée au Sénégal en novembre 1986, j’ai senti que, pour être à mon aise « dans la maison de mon Père » (l’Eglise et la société sénégalaise), je devrais bien apprendre la langue Wolof, sinon je resterais devant la porte de cette ‘maison’. M’appuyant sur l’article 13.2 de nos Constitutions qui dit «L’intégration exige que nous connaissons la langue de ceux au service desquels nous nous sommes mis », j”ai cherché ensemble avec les confrères un professeur. Nous l’avons trouvé au Centre de LinguistiqueAppliquée de Dakar (Université de Dakar), dans la personne de Monsieur Jean Léopold Diouf, chercheur en Wolof. Il m’a aidé dans mes premiers balbutiements jusqu’à devenir notre expert attitré.

    Le Wolof est la première langue nationale du Sénégal. Malgré le fait que seulement 40 % de la population est de l’ethnie wolof, au moins 85 % de la population parle cette langue.

     Après avoir travaillé à deux, moi même et Monsieur Diouf, nous avons vu qu’un groupe de secrétaires’ Wolof, pourrait augmenter le rendement du travail. C’est ainsi qu’en décembre 1990, nous avons fondé ensemble avec quelques jeunes de la paroisse de Diamaguène un groupe de travail. Monsieur Diouf les a ‘alphabétisés en Wolof, langue qu’ils parlaient bien mais qu’ils ne savaient ni écrire ni décrire c.-à-d. en expliquer ses structures linguistiques.

     Peu après ce groupe de travail a reçu le nom de Projet Wolof Diisoo (PWD). ‘Diisoo’ est un mot Wolof qui veut dire « concerter, concertation » : nous voudrions travailler en nous concertant régulièrement.

    Que je me sente à mon aise dans la maison de mon Père » est une motivation forte pour apprendre la langue du peuple vers lequel je suis envoyé. Mais plus important que mon sentiment est le peuple qui m’accueille, surtout les petits’, ceux qui n’ont pas eu la chance d’étudier et d’apprendre d’autres langues. C’est ainsi que la devise de notre Projet Wolof est devenue « Afin que les petits comprennent ! ».

    Dans le respect pour le patrimoine culturel du peuple sénégalais, le Projet Wolof Diisoo, dès le début de son existence (1990), s’est attelé à la promotion de cette langue par la traduction des textes en Wolof. Ainsi il a donné l’occasion aux sénégalais de lire et de se conscientiser non à partir d’une langue étrangère mais par le biais d’une langue qui est propre au terroir.

    Avec le Pape Jean-Paul II dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies pour la célébration du 50ème anniversaire de sa fondation (5 octobre 1995), nous disons : « La nation possède un ‘droit fondamental à l’existence’, à ‘garder sa propre langue et sa culture, par lesquelles un peuple exprime et défend ce que j’appellerai sa ‘souveraineté spirituelle’. »

    Avec le groupe du Projet Wolof, nous avons travaillé et travaillons encore à la traduction et la révision (retraduction et réécriture dans l’orthographe reconnu par un décret officiel) des textes bibliques, liturgiques, catéchétiques et pastoraux. Les anciens missionnaires avaient fait un travail remarquable. Mais la langue évolue. De là la nécessité d’une refonte des textes. En plus, les défis pastoraux et catéchétiques d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’il y a trente ans.

    Après quelques années d’existence, nous nous sommes engagés aussi dans l’alphabétisation dans plusieurs centres de Formation Féminine. Ceci pour aller à la rencontre des jeunes femmes qui n’avaient pas eu l’occasion d’aller régulièrement à l’école. « À la recherche des petites, afin qu’elles comprennent ! »

    Dans la même lancée, le Projet Wolof a organisé depuis des années des cours de base de Wolof pour étrangers : des missionnaires et des coopérants y suivent un cours de base de trois mois (décembre, janvier et février).

    Nous constatons que les sollicitations auprès du Projet Wolof Diisoo pour une intervention (orale ou écrite) augmentent d’année en année. Depuis quatre ans, la Nonciature Apostolique nous demande, au nom du ConseilPontifical pour le dialogue interreligieux, de traduire le Message aux Musulmans pour la fin du Ramadan. Nous sommes sollicités pour la préparation des textes liturgiques à l’occasion des événements ecclésiaux diocésains ou nationaux (pèlerinage, ordinations, jubilé etc.). En vue des Élections présidentielles (26 février 2012) plusieurs demandes de traduction sont arrivées sur notre bureau : le message à la Nation à l’occasion de Nouvel An de l'archevêque de Dakar, le Cardinal Théodore Adrien Sarr, le message de la Conférence Épiscopale et des interventions de la Commission Épiscopale de Justice et Paix pour accompagner les citoyens sénégalais dans la préparation de ces élections.

    Et depuis trois ans et demi, le Projet Wolof Diisoo, s’est lancé dans des émissions télévisées. Nous, un groupe de dix personnes, assurons deux fois par mois (le deuxième et le quatrième dimanche) une émission de 55 minutes, sous le nom de « Laudemus Dominum », à la RDV (= Radio Dunyaa Vision), entièrement en Wolof.

    Cette émission en Wolof est intégralement conçue, préparée et réalisée par le Projet : rédiger les textes, les distribuer aux différents présentateurs et présentatrices et les répéter avec eux ; l’enregistrement, le montage, le rendu en film et la gravure d’un DVD, qui, finalement, est déposé à la Radiotélévision RDV comme un produit fini. Nous fonctionnons comme une « maison de production extérieure ».

    Signalons également que bien que le Wolof parlé est omniprésent dans la société, la langue écrite ne l’est pas. C’est pourquoi nos émissions sont accompagnées des sous-titrages en Wolof : une sorte d’alphabétisation à grande échelle.

    A côté du choix de la forme (le Wolof comme langue de communication), notre émission ‘Laudemus Dominum’ veut aussi promouvoir la cause de la justice et de la paix par son contenu. Ce contenu se répartit en trois volets. Dans la première partie, nous présentons une Parole de la liturgie dominicale (2‘mG lecture, qui n’est pas toujours développée dans les homélies).

    Dans la deuxième partie, nous expliquons la doctrine sociale partir de l’encyclique de Benoît XVI ‘Caritas in veritate’, où il prend la défense des pauvres, accuse le capitalisme illimité, et plaide pour le respect de l’environnement afin de sauvegarder notre planète ‘Terre’.

    Dans la troisième partie, sous le titre « Démb ak tey » (pour dire en Wolof pour « Hier et aujourd’hui »), nous présentons une actualité, juste passée ou à venir. A côté des événements de l’Église locale, cette partie nous donne l’opportunité de présenter dans plusieurs émissions par exemple «Africae Munus », l’exhortation post-synodale sur l’Église en Afrique.

    Est-ce que notre message atteint « les petits » ? Difficile à évaluer avec des sondages sophistiqués comme en Europe. Mais de bouche en bouche, nous apprenons régulièrement quelque chose. A titre d’exemple. Lors d’un exercice de reportage pendant la session de formation annuaire des communicateurs catholiques à Ziguinchor (Casamance- Sénégal) participants étaient envoyés dans un village en brousse. Tout à coup, une femme du village reconnaissait une de nos présentatrices de ‘Laudemus Dominum’ en Wolof, et appelait ses copines. Dans un clin d’œil notre présentatrice était entourée d’un groupe de femmes, qui commençaient à chanter en Wolof : « RDV moo ko yor », ce qui veut dire : « Radio Dunyaa Vision est à la tête ». Le pourquoi de cette qualification était l’emploi exclusif du Wolof.

    Sortant du Commissariat de la Police des Étrangers, où j’avais renouvelé ma carte de séjour pour 2011, une femme me reconnaît et me dit : « Monsieur, je vous reconnais : c’est vous qui faîtes des émissions en Wolof. Je suis musulmane, mais cela ne m’empêche pas de suivre vos missions catholiques. »

    Selon nos Constitutions, nous sommes dédiés au Verbe Incarné. Article 12 cite la lettre aux Philippiens 2, 6 – 7 : « Jésus Christ s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes » : il est venu afin que nous comprenions. La langue est la porte royale pour entrer « dans la maison de notre Père » et y rencontrer le peuple vers lequel nous sommes envoyés, surtout les petits.