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    De l’Administration générale

    L’Aventure missionnaire à Boula-Ibib

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    Amos Onezaire

    Père Amos Onézaire, cicm
    Secrétaire général

     

    « Avons-nous du ‘cœur au ventre’ pour commencer de nouvelles entreprises missionnaires ? » . Le 15ème Chapitre général CICM nous a interpelés tous sur notre fidélité au charisme fondateur de la Congrégation. Suivons-nous le rêve missionnaire de notre Fondateur et de ses compagnons qui sont sortis de leur zone de confort en Belgique afin d’entreprendre une aventure missionnaire périlleuse en Chine? Conscients de cette préoccupation légitime des capitulaires du 15ème Chapitre général, dans un esprit de prière et de discernement, la 5ème Assemblée provinciale de « ACO-CICM 2018 », dans sa Déclaration finale, a engagé toute la Province dans une dynamique de « nouvelles insertions missionnaires ». En réponse à l’invitation de l’Archevêque de Garoua, Mgr Faustin Ambassa Ndjodo, cicm, et conformément aux résolutions de ladite Assemblée, le Supérieur provincial d’alors, le Père Hervé Kuafa Lontsi, du consentement de son Conseil, a décidé d’entreprendre en octobre 2021 une nouvelle insertion missionnaire dans l’Archidiocèse de Garoua au Cameroun. Ainsi, CICM s’est vu confier l’administration de la Paroisse Saint-Joseph et Notre-Dame du Mont Carmel de Boula-Ibib. 

    Présentation de la Paroisse de Boula-Ibib

    Boula-Ibib est une localité située à une cinquantaine de kilomètres  de la ville de Garoua sur l’axe de la route nationale n° 1 (Garoua-Maroua). Ce village est connu pour son célèbre marché de canaris et son marché hebdomadaire du samedi, appelé, non sans humour, le 20 mai. Dès l’année 1970, les chrétiens catholiques de Boula-Ibib ont été confiés aux bons soins des oblats de Marie (OMI) polonais de la mission de Figuil. En 1975, le secteur de Boula-Ibib est rattaché à la mission oblate de Bibémi. Il a été ensuite érigé en Paroisse en 1978 par Mgr Yves Plumey, OMI, Evêque de Garoua. En l’an 2000, après le départ des missionnaires oblats polonais, Boula-Ibib a été confié aux prêtres diocésains.  

    La Paroisse comprend 36 villages et compte aujourd’hui environ 8.000 fidèles répartis en 76 Communautés Ecclésiales Vivantes (CEV). Le territoire paroissial présente une grande diversité ethnique: Guidar, Guiziga, Moundang, Toupouri, Mafa, Massa, Ngambaye, Peuls (fulbés), Kangou, Fali etc.  

    La Paroisse de Boula-Ibib est située dans la région la plus islamisée du Cameroun. D’ailleurs, c’est une Mosquée qui sert de référence à tous ceux qui veulent y arriver pour la première fois. Suivant les orientations pastorales de l’Archevêque de Garoua invitant à « garder la main tendue », la Paroisse s’efforce de promouvoir l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. Dans l’école primaire catholique de Boula-Ibib, les élèves musulmans représentent une part significative. Bien qu’il existe une méfiance latente de part et d’autre, chrétiens et musulmans entreprennent des actions conjointes pour promouvoir la paix dans les villages.     

    Boula-Ibib se trouve dans la région du Nord qui est un espace géographique précaire. Le climat est de type sahélien. Du coup, l’environnement est rude et hostile. La fragilité environnementale conduit souvent à des conflits violents entre nos paroissiens vivant de l’agriculture vivrière et les éleveurs Mbororo (fulbés nomades). Il y a aussi une crise sécuritaire qui impacte la vie de la population: prises d’otages et demandes de rançons. En raison de l’intensification des attaques terroristes, les populations de la région de l’Extrême-Nord se déplacent vers la région du Nord. De ce fait, le territoire paroissial regorge de beaucoup de personnes déplacées.    

    L’arrivée des missionnaires cicm à Boula-Ibib 

    Trois jeunes confrères P.  Amos Onézaire (Curé - Haïti), P. Théodore Muanda (Vicaire-RDC) et Benedict Fika Nkusu (Stagiaire-RDC) ont été proposés pour être nommés par l’Archevêque de Garoua comme membres de la première équipe missionnaire de la nouvelle insertion.


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    La première équipe missionnaire de Boula-Ibid : Benedict Fika, Théodore Muanda et Amos Onézaire

     

    Parti de Yaoundé, je suis arrivé à Garoua le 27 septembre 2021 où j’ai été chaleureusement accueilli à l’Archevêché par Mgr Faustin Ambassa. La cérémonie de passation de service entre l’Abbé William Tatou Dongmo et moi-même a eu lieu le samedi 09 octobre 2021, en présence de Don Paolo Mandelli, Vicaire épiscopal de Ngong. La nuit du samedi 09 au dimanche 10 octobre 2021 a été la plus longue de ma vie, car je me suis retrouvé seul dans un village inconnu et suffoquant sous une chaleur écrasante. De mon lit dépourvu d’équipements, je pouvais apercevoir les moustiques, les reptiles et les batraciens qui s’invitaient dans ma petite chambre dont les fenêtres étaient privées de moustiquaires et de quelques vitres. Après avoir passé une nuit angoissante, j’ai célébré ma première messe à Boula-Ibib avec des personnes gentilles, accueillantes, dynamiques et enthousiastes.

    Avec l’arrivée des autres membres de la communauté, Théodore Muanda, le 17 octobre 2021 et Benedict Fika, le 06 décembre 2021, le travail missionnaire est désormais lancé. N’ayant trouvé aucun travailleur au Presbytère, nous nous sommes mis à faire les tâches ménagères et la cuisine, et en même temps à assurer la Pastorale avec le défi de la diversité des langues et des cultures.

    L’organisation générale de la pastorale

    A la suite des pionniers et de nos prédécesseurs, nous avons essayé d’organiser la pastorale selon les quatre principes pastoraux des orientations pastorales de l’Archidiocèse (2017-2023) : la continuité, qui assure la présence continuelle des soins pastoraux ; l'enracinement, qui met l'accent sur le contexte et la culture locaux ; l'amélioration, qui encourage la croissance et le développement ; et l'expansion, qui favorise la diffusion des soins pastoraux dans un plus grand nombre de secteurs.


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    P. Amos Onézaire
    célébrant le sacrement de l'onction des malades à Goka

     

    A Boula-Ibib, les prêtres parcourent jusqu’à 30 km à moto pour les diverses célébrations dans les communautés éloignées: messes dominicales, onction des malades, célébrations des funérailles, fêtes patronales, fête des récoltes, cérémonies d’attribution des noms aux nouveau-nés etc... Afin de toucher profondément les fidèles, nous nous sommes efforcés d’apprendre la langue parlée par la majorité (fulfulde) et de mettre l’accent sur une pastorale de présence et de proximité.

    Les fidèles participent avec un grand enthousiasme aux diverses célébrations liturgiques. Cependant, une véritable conversion au Christ est plus que jamais urgente. Dans le vécu de la foi, l’on peut observer quelques formes de contre-témoignages et de scandales que Mgr Faustin Ambassa appelle, dans ses orientations pastorales 2023-2029, les «péchés culturels»: recours aux marabouts, sacrifices et rites traditionnels, consultation des devins, la polygamie, le concubinage etc. La pastorale dans ce contexte consiste donc à accompagner, à former et à exhorter les fidèles à se détourner de toutes les pratiques culturelles qui contredisent leur identité d’enfant de Dieu.

    La formation des catéchistes et des animateurs de CEV

    Les catéchistes et les animateurs de CEV sont les parties prenantes de la mission. Outre l’enseignement de la catéchèse et la célébration de la Parole en l’absence du prêtre, ils assurent la traduction simultanée de nos homélies ou tout autre exposé. Ce sont eux qui gardent et éveillent la foi dans les villages. Mais, s’il n’y a pas d’encadrement, ils peuvent être aussi ceux qui font perdre la foi. Un manque d’attention et de vigilance pendant des années à leur égard a permis d’enregistrer quelques faits insolites. Dans une communauté éloignée, nous avons découvert qu’un catéchiste a été enrôlé dans une église de réveil et a passé des mois à endoctriner les fidèles à partir du message d’un homme qui s’est autoproclamé «nouveau prophète». Voulant régulariser la situation matrimoniale de tous les catéchistes, nous avons découvert avec étonnement qu’un bon nombre de catéchistes n’étaient pas baptisés. Conscients de ce besoin d’accompagnement, nous avons donc entrepris des activités afin de pourvoir à la formation des catéchistes et des animateurs de CEV.

    La Pastorale de l’Enfance et de la Jeunesse à Boula-Ibib

    Depuis notre arrivée, constatant que les enfants et les jeunes représentent plus de 65% des fidèles, l’équipe pastorale s’est vite engagée dans l’accompagnement des groupes, mouvements et associations des enfants et des jeunes : Groupe des lecteurs, Servants de messe, Chorales, Bureau paroissial des jeunes, Action Catholique de l’Enfance : Cop’ Monde etc. Chaque année, des activités culturelles et festives sont organisées à l’intention des enfants et des jeunes.


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    Céremonie d’institution au ministère de catéchiste et baptême des enfants à Labare

     

    Dans le territoire paroissial, beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école par manque de moyens financiers ou parce que les parents n’en voient pas la nécessité. Le mariage précoce ou forcé est monnaie courante : deux (2) jeunes filles sur trois (3) se marient entre 15 et 18 ans.  Dans notre apostolat, nous essayons d’accompagner certaines jeunes filles en les envoyant dans les centres de formation professionnelle. Nous accompagnons, dans la discrétion, certains élèves du primaire et du secondaire pour l’achat des fournitures scolaires et le payement des frais de scolarité. Nous nous sommes aussi engagés à redresser l’Ecole primaire de la Paroisse abandonnée notamment pour des raisons d’effectifs par le Secrétariat diocésain à l’Education (SEDUC).

    Le défi des infrastructures

     

    Dans cette Paroisse qui a atteint l’âge de la maturité, plus de 40 ans d’existence, les besoins d’infrastructures sont bien réels : pénurie d’eau, manque de logements, absence de salles de réunions et de bureaux paroissiaux etc.


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    Pose de la première pierre d’un bâtiment de logement à Boula-bib

     

    A notre arrivée en octobre 2021, nous avons trouvé une modeste Eglise paroissiale qui a été construite en 1978 et réfectionnée en 1990. Beaucoup de communautés n’ont pas de chapelle. Nous avons trouvé un petit presbytère avec deux petites chambres et un petit salon, et une petite cabane en paille pour les visiteurs. 

    Afin de répondre au besoin urgent en infrastructures, nous avons sollicité le soutien de la Province, travaillé à l’éveil de la générosité des fidèles et élaboré des projets. Ainsi, de grands changements, en termes d’infrastructures, ont été constatés : réfection du presbytère, travaux de construction d’un nouveau bâtiment, construction d’un espace appelé « Aire Sacrée», réalisation d’un Forage et d’un château d’eau avec plaques solaires grâce au financement de Missionhurst. Les fidèles sont très contents et reconnaissants de la qualité de notre présence. 

    Enfin, je peux dire sans détour que l’aventure missionnaire à Boula-Ibib est la plus belle page de ma vie missionnaire. A Yaoundé, la pastorale des sacrements et des sacramentaux prenait une très grande place dans mon ministère sacerdotal. Mais, la mission dans ce milieu périphérique m’a rendu plus sensible à la pastorale sociale, à la pastorale des migrants, des déplacés et des réfugiés, à l’engagement pour JPIC et au dialogue interreligieux. Cette aventure missionnaire m’a inspiré la confiance en la Providence. Dieu pourvoit toujours à nos besoins missionnaires. Certes, les moyens tant humains que financiers nous font défauts, mais nous ne pouvons ni négliger ni abandonner les périphéries. Ne perdons pas «l’esprit de pionnier» pour continuer à témoigner de l’Evangile dans ce monde en mutation.   §