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    De nos Maisons de Formation

    La spiritualité et nos engagements missionnaires

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    Jean Gracia ETIENNEPar Jean-Gracia ETIENNE, cicm 
    Conseiller général

     

    Le titre choisi pour notre réflexion s’inscrit dans la ligne de la préparation de notre 16e Chapitre général qui se tiendra à Rome en juin 2023. Le thème choisi pour ce Chapitre est : « Témoigner de l’Évangile dans un monde en mutation ». L’un des trois thèmes retenus pour guider nos réflexions dans les mois à venir par la réunion élargie du Gouvernement général (GG) de juillet 2021 est : « Spiritualité et Mission. Ainsi, réfléchissons ensemble sur ce thème en tant que missionnaires religieux CICM.

    Qui sommes-nous ? Quelle est notre mission commune dans le monde d’aujourd’hui ? Quelles sont les exigences que cette mission pose à chacun d’entre nous ?

    Les confrères qui ont écrit le Commentaire du chapitre I des Constitutions CICM affirment que ce chapitre décrit les traits essentiels de la Congrégation. Dans ce chapitre, les éléments qui définissent l’identité de la CICM sont présentés : vocation missionnaire et religieuse, les tâches et la spiritualité. Les articles 1 et 2 de nos Constitutions fournissent les données qui permettent d’identifier la Congrégation et la situer dans l’Église. Ils formulent le but que ses membres poursuivent, les grands défis auxquels ils sont confrontés et qu’ils veulent relever en tant que missionnaires religieux CICM. Enfin, l’article 2 de nos Constitutions propose également les choix qui caractérisent CICM et recommande les attitudes fondamentales que doit incarner chaque membre dans sa vie. Ainsi, cet article est considéré comme le manifeste missionnaire de notre Institut.[1] Mais tout cela est-il clair pour tous les membres de l’Institut ? Vivent-ils tous tout cela de la même manière ?

    Tension historique entre les deux dimensions de notre vocation : missionnaires et religieux

    Au cours de son histoire, certains membres de l’Institut se sont perçus comme étant plus missionnaires que religieux dans l’accomplissement de leur mission. Certains l’ont ouvertement affirmé. D’autres l’ont démontré par leur style de vie au quotidien. Les Chapitres généraux et les Supérieurs généraux ont fait des efforts pour encourager tous les membres de l’Institut à obéir aux règles de nos Constituions. Dans le passé récent, nous pouvons rappeler ce que le 13e Chapitre général a dit à ce sujet. En effet, après avoir constaté certaines négligences de la part de certains membres de l’Institut dans la pratique de leur vie missionnaire religieuse, le Chapitre a affirmé : « Nous nous définissons comme des missionnaires religieux. Chez beaucoup d’entre nous, cependant, l’aspect missionnaire semble l’emporter sur la dimension religieuse de notre vie. Au mieux, il y a une tension. Au pire, on relève l’embarras du choix. Faut-il choisir entre l’un et l’autre? Le Chapitre affirme qu’il n’est pas question de faire le choix. Nous sommes missionnaires et religieux. La vie religieuse avec ses exigences est notre façon concrète, comme CICM, de collaborer à la mission de l’Église. L’engagement missionnaire et la consécration religieuse sont faits pour s’enrichir mutuellement et non pas pour s’opposer. L’un et l’autre devraient, aux niveaux individuel et collectif, s’intégrer harmonieusement. […]»[2]. Le 13e Chapitre général a donc invité les membres de l’Institut à améliorer leur vie religieuse afin de renforcer leur spiritualité missionnaire.

    Constat de la réunion élargie du GG dans le cadre de la préparation du 16e Chapitre général de 2023

             Dans le cadre du lancement de la préparation du 16e Chapitre général de l’Institut, le GG avait organisé une réunion à Nemi, Italie, du 19 au 24 juillet 2021. Quatre autres confrères ont pris part à cette réunion comme consultants. Au début de cette réunion, les participants ont réfléchi en petits groupes sur le passé récent de l’Institut (15-20 années), sur la réalité présente de l’Institut et sur des rêves pour les 15-20 années à venir. Dans leurs réflexions, les participants ont aussi pris en considération la Formation initiale et permanente, le leadership et les finances. Le but de ces exercices était d’identifier les changements et transformations significatifs dans la mission CICM et discerner les orientations à donner au prochain Chapitre général pour répondre plus efficacement aux défis du présent et du futur.

             Les participants ont énuméré certaines choses positives que la Congrégation a pu réaliser dans les 20 dernières années pour mieux participer à la Missio Dei, grâce aux orientations des Chapitres généraux, à la publication des documents importants, à la restructuration, à l’engagement des membres de l’Institut dans des domaines variés de la mission, etc. En général, les membres de la Congrégation font de leur mieux pour accomplir leur mission, que ce soit Ad extra ou Ad intra. Il en effet est très rare d’entendre les plaintes concernant le manque de zèle missionnaire des membres de la Congrégation dans leurs champs de mission. Cependant, nous devons continuer à proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ avec plus d’ardeur. Car, comme a déclaré saint Jean-Paul II : « L’annonce a, en permanence, la priorité dans la mission. L’Église ne peut se soustraire au mandat explicite du Christ, elle ne peut pas priver les hommes de la Bonne Nouvelle qu’ils sont aimés de Dieu et sauvés par lui. […] »[3].

             Néanmoins, en réfléchissant sur ce qui doit être amélioré et à ce qui a fait défaut dans la vie quotidienne des membres de l’Institut, il a été noté, entre autres le manque de vie spirituelle intense, le manque de fidélité aux vœux religieux, le manque de réconciliation entre les membres. Après ce constat les participants à la réunion élargie du GG ont estimé qu’il y a un besoin urgent d’un retour à l’essentiel de la vie religieuse : être fidèle aux vœux, à la prière, à la contemplation, à la réconciliation et la vie communautaire. Ce constat et d’autres défis actuels ont inspiré le thème du prochain Chapitre général : Témoigner de l’Évangile dans un monde en mutation. Dans ce contexte, le témoignage implique l’annonce, le style de vie et la présence, car dans de nombreux cas, cela pourrait être la seule manière possible d’être missionnaire[4]. C’est aussi dans cette optique que Sa Sainteté le Pape Paul VI a déclaré : « […] C’est donc par sa conduite, par sa vie, que l’Église évangélisera tout d’abord le monde, c’est-à-dire par son témoignage vécu de fidélité au Seigneur Jésus, de pauvreté et détachement, de liberté face aux pouvoirs de ce monde, en un mot, de sainteté ».[5]


    Puisque nous avons choisi de parler de spiritualité, il nous semble important de définir cette dernière.
    Que signifie la spiritualité chrétienne dans le contexte catholique ?

    Nous choisissons de croire que le propre de la spiritualité est l’aspect historique incarné, qui conduit à l’appeler ou à la définir comme une forme concrète et visible que tout chrétien donne à l’action que Dieu dans le Christ accomplit en lui par l’Esprit Saint. La spiritualité est donc plus pratique ; elle concerne l’expérience que le chrétien ou la chrétienne exprime et incarne dans la condition socioculturelle religieuse particulière qui constitue l’habitat quotidien de l’homme. La spiritualité peut donc être définie comme une manière historique de comprendre et de vivre le message de l’Évangile, selon la foi et la vie de l’Église, ou comme un style de vivre l’Évangile dans une situation donnée[6].

    Plus largement, elle peut être comprise comme une reformulation et un réaménagement des grandes coordonnées de la vie chrétienne en fonction de «l’aujourd’hui,» des réalités concrètes dans lesquelles nous devons vivre et des services concrets que nous sommes appelés à rendre[7]. De plus, la spiritualité concerne les diverses formes de vie propres à l’état de vie ou à la famille religieuse dans laquelle on est appelé à accomplir la Sequela Christi ; elle nous invite aussi à parler de la spiritualité des personnes individuelles, en vertu du principe de l’unicité de chaque personne[8]


    Quelques éléments de la spiritualité CICM

    Nous nous limitons à rappeler l’approche du 14e Chapitre général de l’Institut sur cette question. En effet, en tentant d’évaluer la qualité de la vie religieuse personnelle et communautaire des membres de l’Institut, le 14e Chapitre général posait la question suivante : « Est-ce que notre vie missionnaire religieuse s’est améliorée au cours des dernières années? ». Pour répondre à cette interrogation, les Capitulants d’alors avait réfléchi sur le thème de la spiritualité missionnaire CICM. Celle-ci a été définie comme étant le « style de vie d’une personne qui est engagée à vivre le plus authentiquement possible toutes les conséquences de sa condition de disciple de Jésus et de membre de CICM à chaque moment de sa vie et dans toutes ses relations »[9].

    Ensuite, le Chapitre, se basant sur les articles 1 et 2 de nos Constitutions, affirme que la spiritualité missionnaire CICM a cinq piliers, à savoir que tous les membres de l’Institut sont

    « 1. Dédiés au Verbe Incarné sous le titre et le patronage du Cœur Immaculé de Marie

    2. Envoyés aux nations pour annoncer la Bonne Nouvelle… 

    3. À travers une vie consacrée

    4. En étant des hommes de prière et

    5. Dans une communion fraternelle»[10].

    Par ailleurs, le Chapitre reconnaît et apprécie les efforts de chaque membre de l’Institut pour soutenir une relation permanente avec le Seigneur dans sa vie quotidienne. Il a aussi mis l’accent sur la compréhension de l’identité des membres de l’Institut comme missionnaires religieux et les a encouragés à vivre leurs vœux de manière cohérente[11]. C’est tout un programme de vie que chaque membre de la Congrégation est appelé à intégrer dans sa vie quotidienne.

    Quelques éléments nouveaux ajoutés à ces cinq piliers de la spiritualité missionnaire CICM par le 15e Chapitre général

    Le 15e Chapitre général se proposait d’examiner, entre autres, le charisme de l’Institut avec une vision renouvelée, tout en se laissant inspiré et fortifié par les œuvres missionnaires de notre Fondateur et ses premiers compagnons. Ainsi les capitulants ont décidé que « l’enracinement dans la tradition missionnaire de l’Église et le charisme originel de notre Fondateur, une audace renouvelée et une créativité évangélique, et une vision audacieuse et optimiste de l’avenir — détermineront notre présence missionnaire dans les années à venir »[12]. Mais ce Chapitre a reconnu aussi le fait qu’il y a beaucoup d’obstacles qui empêchent les membres de l’Institut de réaliser leurs rêves missionnaires. En outre, il a reconnu que l’un de ces obstacles est le souci exagéré de la survie de l’ensemble des membres de l’Institut, leurs œuvres et leurs activités.[13]

    C’est pourquoi, le Chapitre avait manifesté le souci de favoriser, dans les années à venir, une attitude positive chez les membres de l’Institut, les invitant à se regarder positivement et d’être fiers et reconnaissants envers le Seigneur d’être des missionnaires CICM.

    Mettre la spiritualité chrétienne, religieuse et congrégationnelle en action

             Nous voudrions souligner la nécessité de mettre quotidiennement la spiritualité chrétienne au service du charisme de notre Institut et de notre mission en citant le canon 673 du Code de droit canonique de 1983 : « L’apostolat de tous les religieux consiste en premier lieu dans le témoignage de leur vie consacrée, qu’ils sont tenus d’entretenir par la prière et la pénitence ». Nous constatons que le Législateur suprême lie nos activités apostoliques au témoignage de vie. Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous ne pouvons cesser de rechercher nos frères et nos sœurs pour nous mettre à leur service. Parallèlement, nous participons aux apostolats de l’Église tout en mettant un accent particulier sur le témoignage de notre vie entretenue par la prière et la pénitence. La dynamique de croissance de la vie spirituelle de chacun de nous vers la pleine réalisation de soi est illustrée à travers l’image du cheminement et de la construction. La croissance prend le sens du travail, de la fatigue, de l’exercice constant, accompli par chacun dans une fidélité radicale à son être de créature nouvelle dans le Christ[14].

             Pour plus d’efficacité et durabilité de ce combat continu, nous devons nous entraider dans ce processus, car le canon 602 du Code de 1983 nous dit que : « La vie fraternelle, propre à chaque institut, qui unit tous les membres dans le Christ comme dans une même famille particulière, doit être réglée de façon à devenir pour tous une aide réciproque pour que chacun réalise sa propre vocation. Qu’ainsi par la communion fraternelle, enracinée et fondée dans l’amour, les membres soient un exemple de la réconciliation universelle dans le Christ ». C’est donc au nom de sa vision religieuse et communautaire que chaque membre d’une communauté remettra en question le modèle d’une société qui ne fait pas justice à tous ses membres, qui empêche l’ouverture à Dieu. Dans ce contexte, nos Supérieurs religieux ont un rôle important à jouer au sein de leur communauté pour favoriser un climat propice au développement religieux, humain et social de chaque membre.

             Par ailleurs, sans vouloir énumérer et examiner les diverses qualités requises pour l’exercice du leadership dans ce contexte précis, il nous semble important de rappeler ces mots lumineux de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, dans son Instruction sur le service de l’autorité et l’obéissance : « La personne appelée à exercer l’autorité doit savoir qu’elle ne pourra le faire que si auparavant elle entreprend le pèlerinage qui conduit à rechercher avec intensité et droiture la volonté de Dieu […]. L’autorité doit agir en sorte que les frères et les sœurs puissent percevoir que, quand elle commande, elle le fait uniquement pour obéir à Dieu »[15]. En définitive, ce n’est qu’en étant ouvert à Dieu, aux autres et à l’avenir qu’il y a moyen d’établir d’authentiques relations au sein de nos communautés religieuses sous la conduite d’un Supérieur qui cherche sincèrement à servir humblement.

             Enfin, nous devons à tout moment nous laisser guider par l’Esprit Saint pour que nous soyons en mesure de réaliser avec audace et courage notre vocation et notre mission dans l’Église et dans le monde de ce temps avec ses multiples défis. En d’autres mots, sans le Christ nous ne pouvons rien faire malgré notre vocation et notre mission. C’est pourquoi nous devons toujours rester unis à Lui comme pour la vigne et les sarments (cf. Jn 15,5). Mettons toujours et en tout lieu notre confiance indéfectible en la Sainte Trinité. Les difficultés que nous aurons à rencontrer sur nos chemins ne doivent pas nous décourager. Au contraire, avec une nouvelle détermination, nous devons continuer à apporter notre contribution spirituelle et apostolique à l’Église du Christ. En route pour un avenir meilleur !

     

    [1] Cf. Constitutions CICM Commentaire Chapitre I : Notre Institut, deuxième Edition, Rome 2007, p. 5.

    [2] Actes du 13ème Chapitre général CICM, Rome 2005, p. 14.

    [3] Lette encyclique Redemptoris Missio, n°44.

    [4] Cf. Stephen B. Bevans & Roger P. Schroeder, Constants in context. A Theology of Mission for Today, p. 353. Orbis Books, Maryknoll, 2004.

    [5] Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n°. 41.

    [6] Cf. Carlo Laudazi, L’uomo chiamato all’unione con Dio in Cristo. Temi fondamentali di teologia spirituale, Teresianum OCD, Roma, 2013, p. 9.

    [7] Cf. C. Garcia, Corrientes actuales de espiritualidad, p. 7. Cité par Carlo Laudazi, L’uomo chiamato all’unione con Dio in Cristo. Temi fondamentali di teologia spirituale, p. 9.

    [8] Cf. Carlo Laudazi, Op. cit. p. 9.

    [9] William Wyndaele, cité dans les Actes du 14ème Chapitre général CICM, Rome 2011, p. 8.

    [10] Actes du 14ème Chapitre général CICM, Rome 2011, p. 8.

    [11] Cf. Ibid., p. 9-10.

    [12] Actes du 15ème Chapitre général, Rome 2017, p. 14-15.

    [13] Ibid., p. 15. 13.

    [14] Cf. Carlo Laudazi, Op. cit., p. 17.

    [15] Le service de l’autorité et l’obéissance Facem Domine requiram, in DC, 6 juillet 2008, n. 2405, p. 630-651.