Par Frans De Ridder, cicm
Dans l’évangile de Luc, nous trouvons ces versets : « Le peuple était dans l’attente » (Lc 3.15). Le 14° Chapitre CICM est « derrière » nous… Il a eu lieu en juin 2011. De même qu’après tous les Chapitres, de même qu’après Vatican II, « Le peuple était/est en attente ».
Un peu plus haut, en Lc 3,10, nous lisons : « Les foules l’interrogeaient : “Que devons-nous faire ? ». Je sais que chacun de nous doit répondre à cette question personnellement. Personne ne peut nous dicter ce qu’il y a lieu de faire. 35 années d’expérience de Mariage Rencontre m’ont appris qu’il n’y a pas mal de gens qui sont incapables de penser personnellement, qui ne peuvent pas imaginer qu’il peut toujours y avoir une alternative.
Nous avons tendance à considérer les choses comme définitives ; nous pensons et nous nous comportons comme si la manière actuelle de vivre notre vie missionnaire religieuse était la seule possible et la seule raisonnable. Je crois que les gens auxquels s’adressait Jean-Baptiste ne constituaient pas des exceptions ; c’est pourquoi il leur répondait « au niveau des pâquerettes » :
# « Que celui qui a deux manteaux partage avec celui qui n’en a pas ».
# « Que celui qui a de la nourriture fasse de même ».
# « Ne percevez pas plus que ce qui est prescrit ».
# « Ne brutalisez personne, n’accusez faussement personne, contentez-vous de votre solde ».
Je vais faire mon possible pour être concret, « au ras des pâquerettes ». Je ne vise aucun confrère en particulier et ceux qui se sentiraient offensés, je leur demande de me pardonner.
- Nourriture et boisson
Une chose me dérange sans cesse depuis plusieurs années. Dans ce monde qui est le nôtre, le plus grand tueur, ce n’est ni le cancer ni la crise cardiaque ; c’est l’obésité ! 400 millions de personnes souffrent de cette maladie moderne pendant que, toujours dans notre monde,
30 000 personnes meurent chaque jour de faim ou de dénuement : plus de dix millions par an !
Que penserions-nous d’un « jeûne pratique » sur base de volontariat, peut-être une fois par semaine ? Ou alors, moins boire et manger et donner l’argent aux pauvres ? J’apprécie un bon verre de bière. Pourtant, avons-nous vraiment besoin d’un verre (ou davantage !) chaque jour ? Et bien souvent, c’est « à choix multiple ! ». La question n’est plus : « Veux-tu un verre de bière ? », mais bien « Quelle bière veux-tu aujourd’hui ? ». Mes parents étaient de simples fermiers qui devaient travailler dur pour joindre les deux bouts à la fin de chaque année. Nous n’avions de la bière que les dimanches et cela nous apparaissait comme des jours de fête ! Un vrai dessert aussi, ce n’était que le dimanche ! N’oublions pas non plus que CICM a eu et compte toujours un bon nombre de confrères alcooliques ! Un verre de whisky ou de cognac (ou plusieurs !), cela est-il vraiment indispensable chaque jour ? Une lecture sérieuse de l’évangile peut nous faire comprendre que « jeûner » constitue une manière de renouer avec l’Époux (Mt 9,15). Lorsque nous nous sentons un peu à bout de course, lorsque nous commençons à douter de la vraie présence de Dieu dans notre vie…, jeûner peut devenir une Prière du corps et de l’âme. Permettez-moi de citer quelques guides spirituels :
# St Basil : « Si tous les humains pouvaient accepter le conseil de jeûner pour affirmer leurs différences, il n’y aurait plus aucun obstacle sur le chemin de la plus profonde paix possible pour le monde ».
# Drewerman : « La tendance humaine à manger, l’effort pour tout consommer est “la pulsion de l’existence”, le désir de remplir le vide du néant. Puisqu’il ne veut pas reconnaître son propre néant, l’homme veut dévorer le monde entier ».
# L’évêque Aloysius Jin de Shanghai : « Je savais clairement que le communisme ne pourrait jamais détruire le christianisme ; l’histoire a évacué ce problème. Mais aujourd’hui, je crains que ce que le communisme ne peut pas et n’a jamais pu faire soit réalisé maintenant par la société de consommation ». C’est exactement ce qui arrive à notre monde…
Vincent Lebbe : le missionnaire belge en Chine, fondateur de quatre communautés religieuses, les mettait fortement en garde contre la « mentalité bourgeoise ».
Paul Van Breemen dit dans un de ses livres : « Après Vatican II, de grands groupes de religieux ont quitté la vie religieuse… S’il y a un rêve possible aujourd’hui dans la vie religieuse, alors il n’y a plus aucune raison de la quitter… Et pourtant, il n’y a pas non plus de raison pour la rejoindre ! ».
- Vie de prière
Dans la deuxième partie de notre noviciat, on nous a proposé une deuxième méditation chaque jour. Heureuse surprise pour moi, je peux témoigner du fait que, à Singapour et dans d’autres parties du monde, de nombreux laïcs se mettent à cette habitude : deux fois par jour une demi-heure de méditation, une chose promue par la « World Community of christian meditation » (WCCM). « Calmez-vous et sachez que je suis Dieu » (Ps 46,11) Mgr l’archevêque Fulton Sheen, speaker à la radio et à la télévision aux USA avec beaucoup de succès, consacrait tous les jours de sa vie une heure entière à l’adoration du Saint Sacrement. Pour beaucoup de raisons pratiques, je suis convaincu qu’une heure comme celle-là pourrait très bien servir à une méditation à l’aide d’un mantra (par exemple : ma-ra-na-tha) deux fois par jour : une demi-heure matin et soir. Les mots de Karl Rahner pourraient bien être prophétiques ici : « Le chrétien du 21° siècle sera mystique ou ne sera rien du tout ».
- Transports et voyages
Il y a beaucoup de bonnes raisons pour jeter un regard sévère sur cet aspect de la vie CICM ! Les voitures sont des choses qui coûtent cher et causent beaucoup de nuisances : le prix d’achat, l’entretien, l’assurance, la place de parking, les embouteillages, la pollution de l’air… Il peut y avoir de bonnes raisons pour lesquelles des confrères « ont besoin » d’une voiture pour leur travail. Aucun problème pour moi ! Mais ce principe ne devrait pas devenir un prétexte pour que de nombreux confrères aient chacun la sienne personnellement.
Ce qui est le plus important, c’est que les voitures nous « isolent » des gens ordinaires qui se déplacent dans les transports publics. Parfois, je suis surpris et même scandalisé de lire que des confrères viennent en voyage dans leur ancienne mission ou prennent des vacances fort chères, même si tout cela est payé par de bons amis. Est-ce que cela s’accorde avec notre vœu de pauvreté ?
- Gadgets électroniques
Pour un missionnaire aussi, un ordinateur est un instrument commode dans notre monde moderne. Mais devons-nous toujours acheter le meilleur, le plus cher, le dernier-né sur le marché ? Ceci est vrai aussi pour les confrères qui achètent une caméra, qui ont une télévision personnelle dans leur chambre, téléphones portables, etc. Ces objets ne sont pas seulement très chers ; bien souvent aussi, ils sont la source d’incroyables pertes de temps ! Bien souvent aussi, ils peuvent miner notre vie spirituelle, notre goût de Dieu. Progressivement, notre vie spirituelle se sécularise et s’empoisonne ! Nos chambres à coucher devraient être des endroits pour dormir et pour prier (cf. Mt 6,6) et non des salles de TV ! Soyons honnêtes : la TV peut causer la fin d’une vraie vie de communauté ! C’est le cas pour de nombreuses familles aujourd’hui ! Non seulement nous vivons « dans » le monde ; de plus en plus, nous sommes « du » monde ! Pourtant, Jésus disait : « Ils ne sont pas du monde comme moi - même je ne suis pas du monde » (Jn 17,14).
A Taiwan, il y a des monastères bouddhistes qui sont de vraies sources d’inspiration. Le Maître Sheng Yan in Fa Gu Shan résume leur spiritualité en quelques lignes : ce dont nous avons vraiment besoin, ce n’est pas beaucoup ! Ce que nous désirons, c’est beaucoup de trop ! Allez seulement vers les choses dont vous avez vraiment besoin !
Beaucoup de choses que nous désirons ne sont pas importantes !
La justice, c’est donner ce dont nous n’avons pas besoin nous-mêmes ! Cela appartient aux pauvres !
La charité, c’est donner à partir de ce dont nous avons besoin nous-mêmes !
Résumé
Sainte-Thérèse d’Avila a dit un jour : « Celui qui a Dieu ne désirera jamais plus rien ! ».
Je suis convaincu que c’est là la véritable essence de la vie religieuse : vivre sa vie pour Dieu, avec Dieu ! Dieu la joie de notre cœur !
« Tu me feras connaître le chemin de la vie, une plénitude de joie en ta présence, un bonheur sans fin juste à ton côté » (Ps 16,11)