Roger Nshono M., cicm
Conseiller général
Plusieurs familles religieuses sont confrontées à ce qu’il convient d’appeler « la crise des vocations », et CICM ne fait pas exception. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui freinent notre élan pour entreprendre de nouvelles initiatives. Dans presque toutes nos entités, le nombre des confrères actifs diminue. A cela s’ajoute la question des ressources financières. Ces crises reviennent sans cesse lors de nos Assemblées provinciales et différentes réunions, suscitant chez certains confrères des doutes et des angoisses quant à l’avenir de la Congrégation. Face à cette problématique, un vrai discernement est nécessaire. En effet, il y a plusieurs façons de sortir de cette crise. L’une des voies est la qualité de la formation initiale, basée sur l'exemplarité, l'authenticité de vie et la gestion honnête et transparente de ce que nous avons.
Repenser l’animation vocationnelle et la Formation initiale
Dans la recherche quasi obsessionnelle de candidats, nous avons tendance à nous livrer à une certaine « opération de séduction ». Par exemple : un jeune m'a dit avoir été attiré par les propos d'un « animateur de vocations » qui disait que CICM était un canal sûr pour parcourir le monde. Cette manière de présenter la Congrégation est à bannir, si nous voulons assurer sa continuité. En son temps, Théophile Verbist déconseillait ce type d’attitude. En effet, dans sa lettre n° 394 adressée à J. Bax et T. Rutjes le 24 février 1867, il écrit : « Je pense toujours que Wilrycx doit rester un an à Scheut pour faire son noviciat en règle et bien examiner s’il saura supporter l’apostolat de la Mongolie qui est dur. Je ne veux tromper personne. »
L'article 57 de nos Constitutions nous rappelle que : « Nous avons tous la responsabilité d'aider les jeunes à discerner l'appel que Dieu leur adresse. Le témoignage d'une vocation vécue dans la joie et la fidélité aidera certains d'entre eux à découvrir que Dieu les appelle à la vie missionnaire religieuse. Nous les invitons alors à se joindre à nous. » L'authenticité et la joie sont toujours contagieuses pour ceux qui cherchent un sens à leur vie. Dans un monde où tout semble instable et changeant, les vies stables et solides, ont un pouvoir d'attraction et d'apaisement extraordinaires, surtout si elles sont assaisonnées d’une bonne dose de prophétie et d'audace. C’est ainsi que nombreux d'entre nous ont été attirés par le style de vie exemplaire des missionnaires. De même, dans sa catéchèse du 7 juin 2023, le Pape François avait affirmé avec force que « la foi naît par attraction » et non par prosélytisme et/ou par force.
Il fut un temps où il était facile de recruter de nombreux jeunes dans les paroisses desservies par les confrères CICM. Il était plus facile pour ces jeunes de se faire une idée du charisme et de la spiritualité CICM, à travers la manière d'être et de faire des confrères. Mais ce n’est plus toujours le cas. J'ai visité une communauté de formation où plus de 80% des jeunes venaient de paroisses non CICM. Pour ces jeunes, le témoignage des formateurs et des confrères qui les accueillent pour les expériences dans les communautés peut compenser, surtout durant les premières années de formation.
Les capitulaires du 16ème Chapitre général soulignent que « l’enthousiasme avec lequel on parle de ses expériences missionnaires passées, l’entente fraternelle entre les membres de l’équipe, une vie simple, le partage des tâches avec les formés, l’humilité et une attitude de proximité, tout en sachant garder de saines distances, sont des éléments qui parlent aux jeunes plus que les théories. » (Actes du 16ème Chapitre général CICM, p. 34). Les confrères responsables de l’accompagnement des jeunes doivent être des personnes qui croient en CICM et en sa mission. Ils ont pour tâche de les aider à embrasser une culture CICM, une nouvelle famille qui s’appelle CICM et un nouveau langage qui est le langage CICM. Ce langage est composé d’un riche lexique : internationalité, interculturalité, fraternité universelle, confrères, Ad extra, Ad intra, Ad gentes, Cor unum et Anima una, Divine providence, Notre Dame de Grâce, Cœur Immaculé de Marie, Verbe incarné, intégration, adaptation, endurance, créativité, pionnier, JPIC, français et anglais, humour, simplicité de vie, Chronica, Elenchus, … Les jeunes qui arrivent connaissent ces mots mais ne savent pas ce qu’ils signifient pour nous CICM. Dès les premières années de la FI, ils doivent être initiés par des aînés convaincus et convaincants par leur style de vie, et évalués sur la base des composantes essentielles de notre vie.
Face à la crise de disponibilité
L’une des étapes essentielles pour garantir l’avenir de notre famille religieuse est la sélection des formateurs. Le 16ème Chapitre général insiste sur le fait que « le choix des formateurs mérite un discernement approfondi. Il se basera non seulement sur les avis des Supérieurs provinciaux, mais aussi d’autres confrères qui peuvent l’aider (le Gouvernement général) dans ce discernement. » (Actes, pp 33-34).
L'un des critères de sélection des formateurs est ce que l'Article 74 de nos Constitutions appelle « une expérience missionnaire positive ». Nous devons admettre que, humainement, il n'est pas facile de laisser derrière soi l'expérience positive où l’on se sent apprécié par le peuple de Dieu, l'Ordinaire du lieu et les Supérieurs religieux. Nous sommes le plus souvent heureux de travailler et de vivre là où nous nous sentons utiles et gratifiés. Se rendre disponible pour quitter ce ministère stimulant et passionnant relève du sacrifice. En ce moment de « l'épreuve du vœu d'obéissance », l'une des stratégies consiste à contempler Jésus invitant Simon et ceux qui étaient avec lui à aller ailleurs, à quitter l'endroit où les foules avaient besoin de lui en raison des miracles qu'il avait accomplis, pour aller vers l'inconnu, là où il n'avait aucune garantie d'être accepté. Cette décision d’aller ailleurs est précédée par un temps de prière dans un endroit désert (Cf. Mc 1, 29-39).
Le ministère de formateur ressemble à celui des parents. Il leur a fallu des nuits blanches pour que leurs enfants grandissent. De même, pour les formateurs, il faut se lever tôt, suivre le programme des maisons de formation, vivre sobrement, accepter les critiques des confrères sur le terrain et celles des étudiants, ajuster sa manière de former aux orientations de l'Eglise et de la Congrégation, accueillir chaque année les visites canoniques des Supérieurs, des membres du GG, des auditeurs, etc. Je reste convaincu qu'une telle expérience est féconde en termes de maturation et de sanctification personnelle dans notre marche vers le Royaume.
Bien qu’appelés à mener une vie qui inspire les jeunes à servir joyeusement le Seigneur, les formateurs ne perdront pas de vue qu’ils doivent s’inspirer du modèle de formateur par excellence : le Christ. Ils sont appelés à développer la diversité des moyens dont Jésus s’est servi pour attirer à lui les disciples qu’il a choisis. Ils se familiariseront également avec la manière dont Jésus agit avec ceux qu’il a appelés, comme les dispositions qu’il cherchait à développer en eux. Voilà pourquoi ils devront être des familiers de la Parole de Dieu, et des amis du Christ par excellence. De cette manière, développant de la souplesse entre les doigts de Dieu, ils feront naître progressivement de nouvelles attitudes dans les jeunes en formation. Ils se familiariseront avec les voix de Dieu, avec sa manière mystérieuse et délicate d’agir avec les gens et deviendront, petit à petit, dociles aux inspirations divines. Leur affection pour Jésus grandira au point de ne vouloir suivre quelqu’un d’autre que Jésus et de s’écrier, comme Saint Pierre : « Vers qui pourrions-nous aller ? » (Jn 6, 68)
Les formateurs devront accentuer le contact personnel, afin d'apporter une aide adaptée au rythme de chacun. D'où l'importance de l'accompagnement spirituel et des rencontres personnelles avec chaque candidat. Malheureusement, pour beaucoup de jeunes en formation, on constate un manque d'enthousiasme pour les exercices spirituels. Les plus déplorables sont ceux qui persistent dans cette négligence, même dans leur pays de mission, se laissant entraîner par les sollicitations d’un monde caractérisé par le matérialisme ambiant.
Gestion financière pour la Formation initiale (FI)
Certaines maisons de formation font face à des problèmes de finances par rapport à leur fonctionnement. Pour prévenir ce risque, notre famille religieuse a élaboré des procédures de gestion efficaces contenues dans nos Directives générales pour l'administration financière et dans l'Annexe VI-6 du Vade-mecum B pour l'Administration provinciale. La politique des fonds investis pour la Formation Initiale et de la solidarité congrégationnelle, a été mise sur pied pour aider à former efficacement nos candidats. D'où l'appel constant à la générosité des Provinces pour qu'elles continuent à contribuer à la solidarité congrégationnelle et à une bonne gestion des bénéfices générés par le fond investi pour la FI.
La crise financière dans nos maisons de formation est parfois l'expression d'une connaissance insuffisante de la politique financière de la Congrégation. C'est pourquoi, lors de la formation des nouveaux membres des Gouvernements provinciaux, un programme d'initiation aux finances a été ajouté pour les aider à prendre des décisions plus éclairées en matière de gestion financière. De même, tous les formateurs, et pas seulement l'économe de la communauté, sont appelés à connaître la situation financière de la communauté dont ils ont la charge et à établir des budgets réalistes. Il leur appartient également d'initier les jeunes à la gestion financière et de détecter, parmi eux, ceux qui ont le plus d'aptitudes dans ce domaine. Il est incontestable qu’une gestion financière transparente et honnête est un moyen efficace d’être témoins, surtout dans un monde où l’argent tend à s’ériger en maître.
Pour assurer une bonne formation de nos jeunes, un minimum de bonnes conditions est requis. Il ne s’agit pas d’instaurer un style de vie luxueux dans nos maisons de formation. D’ailleurs, les articles 38 et 39 de nos DGFI nous le rappellent : « Notre style de vie simple exprime notre préférence pour les pauvres. Nous nous entraidons à adopter ce style de vie. Nos vêtements, notre nourriture et nos moyens matériels seront simples. Nos maisons seront modestes et adaptées aux situations locales. » Nous sommes heureux que la plupart de nos maisons de formation aient été implantées au milieu des gens de conditions simples. C’est une stratégie pédagogique qui aide nos jeunes à être proches des pauvres, « destinataires privilégiés du Royaume de Dieu ». (Constitutions CICM Art. 2)
Conscients que la formation reste une priorité pour notre famille religieuse, le GG organise cette année la 5ème édition de la Formation Permanente pour tous les formateurs CICM, sous le thème : « La formation initiale dans un monde en mutation ». Dans ce monde qui change, nous avons besoin d'une formation qui mette l'accent sur le témoignage plus que sur les belles paroles. En observant la manière de faire de Jésus, nous nous rendons compte qu'il était toujours avec ses disciples, les impliquant dans sa mission de compassion pour les foules, les rendant témoins de sa vie de prière, saisissant les occasions de la vie quotidienne pour les instruire... Qu'il s'agisse de l'étape de l'animation vocationnelle, de la vie dans une maison de formation, ou du stage missionnaire, nous avons besoin de témoins authentiques pour aider à grandir sur le chemin de la perfection, et de jeunes dociles pour apprendre et prendre la forme du Christ et devenir ainsi des témoins efficaces de sa présence.