Honoré Kapuku Tshimanga (1958-2020)
Né le 30 décembre 1958 à Luandanda (RDC)
Premiers vœux le 8 septembre 1981
Ordonné prêtre le 19 août 1990
Il a été missionnaire au Guatemala et au Congo (AFA)
Décédé à Montréal (Canada), le 17 janvier 2020, à l’âge de 61 ans
Le père Honoré Kapuku, « ka souris », « petite souris » comme nous l’appelions, était orphelin de père dans sa tendre jeunesse. Il a connu un autre milieu familial favorable qu’était celui de son oncle paternel Mukulu Kande. La mort a régulièrement rendu visite à cette famille et Honoré était resté seul garçon avec une seule petite sœur. La perte matinale de son papa était devenue un leitmotiv, le poussant à une très grande capacité de créativité et de débrouillardise. Il était un homme talentueux, parfois agressif, manipulant toute sorte d’appareils, et en en créant de nouveau dans sa vie professionnelle future comme missionnaire, le missionnaire-ingénieur.
Après sa formation de théologie à Ngoya au Cameroun, suivi de son ordination sacerdotale en RDC, Honoré partit comme missionnaire au Guatemala où il fut nommé pour servir dans le ministère paroissial. Il avait un bon cœur et vivait très proche de ses paroissiens, aussi bien les jeunes que les vieux dans son approche pastorale. Ces solides relations pouvaient encore être observées pendant son hospitalisation avec certaines familles guatémaltèques se préparant à venir lui rendre visite à Montréal, au Canada.
Après son expérience au Guatemala, Honoré accepta un autre défi missionnaire dans sa province d’origine le Kasayi Occidental (à l’époque). Il s’entendait à merveille avec les confrères de la maison provinciale où il avait assumé les fonctions de Recteur. Il fut par après nommé responsable des œuvres missionnaires. Il savait taquiner et raconter des histoires parfois invraisemblables, des blagues qui frisaient parfois le cynisme. Cette façon de faire révélait le vrai « ka souris » qu’il avait toujours été. Mais souvent aussi, certaines de ses initiatives étaient mal comprises. N’oublions pas qu’à l’époque de sa nomination comme responsable des œuvres missionnaires, le clergé diocésain nourrissait les ambitions de récupérer beaucoup de ces œuvres qui appartenaient à la Congrégation. Sa fonction était donc stratégique pour la Congrégation qui voyait diminuer le nombre des confrères belges et l’augmentation des Confrères originaires du Grand Kasayi avec un besoin croissant de garder certaines œuvres pour la continuation de la mission. Pendant cette période, la Province lui demanda de donner un coup de main à l’animation missionnaire des jeunes à Katoka. On y avait besoin d’un animateur congolais enthousiaste. Ensuite, il a été responsable des projets dans le domaine des ponts. C’est ici que Honoré a fait preuve de son intelligence, de sa capacité d’être un missionnaire plein d’initiatives, toujours lucide et plein d’enthousiasme.
La nomination du père Léonard Kasanda comme Supérieur provincial a été une bénédiction historique pour Honoré Kapuku. Le père Léonard Kasanda, l’avait davantage supporté et encouragé à exploiter positivement tous les talents qui étaient en lui. Ce moment était vraiment l’âge d’or de sa mission au Kasayi. Pendant la période difficile de la conquête du pouvoir par l’AFDL (Alliance de Forces Démocratiques pour la libération du Congo) de Laurent Désiré Kabila, il était ce confrère sur qui tout le monde pouvait compter pour la sécurité de la maison provinciale. En effet il avait de bonnes relations avec les jeunes du quartier Kapanda pour qui, les pères de Scheut étaient aussi « leur patrimoine commun ».
Sous l’impulsion du père Provincial Jef Laevens, Honoré accepta un nouveau défi missionnaire : refaire la toiture de l’église Sainte-Famille. Honoré se retrouvait dans le domaine de ses rêves. Nous ne pouvons que te dire merci pour ce bijou de l’histoire de notre mission au Kasayi. Kapuku wetu tuasakidila (merci notre Kapuku), les œuvres parleront de toi. Le garage de Tshiela et les différents ponts que tu as jetés sur plusieurs cours d’eau sont des photocopies de ton intelligence mécanique ; la salle des conférences de Tshiela confirme aujourd’hui ton souci de faire de certains espaces des unités de notre autofinancement.
Après cette période manifestement exaltante et joyeuse, Honoré a connu des moments pénibles comme tout être humain. Il disait souvent : » la vie est déjà difficile. Il vaut mieux ne pas trop déranger les autres « . C’est cet adage qui le poussa à se retirer vers la ferme de Luandanda pour se consacrer activement aux travaux de la ferme agricole après avoir reçu une formation spécialisée au Centre Songhaï à Porto Novo, en République du Bénin. Son génie créateur se révéla à travers la fabrication des outils agricoles en revalorisant une Tour anciennement utilisée à Tshilomba par les anciens confrères, les plantations diverses, l’élevage multiforme, le développement de la pisciculture, la génération du courant électrique par la construction des petites unités de barrages, etc. Honoré était le prototype du missionnaire CICM dont on pouvait facilement dire qu’il avait une brique dans le ventre. Et dans son cas il avait aussi un marteau et du fer dans le même ventre. Le zèle pour ce travail l’avait conduit jusqu’à l’extrême de devenir presque « un tiré à part » avec des conséquences parfois fâcheuses dans ses relations interpersonnelles. Cette situation amena les Supérieurs religieux à le nommer Curé de la Paroisse Sainte-Famille.
Envoyé au Canada pour un programme spécial avant d’avoir une nouvelle nomination pastorale, Honoré fut diagnostiqué d’un cancer de sang (leucémie) duquel il ne s’était jamais remis. Témoin de la fraternité universelle, Honoré fut inhumé en plein hiver froid à Montréal, le 24 janvier 2020, loin de son Kananga natal. La veille de ce jour, les paroissiens de Sainte-Famille et connaissances, les prêtres tant diocésains que religieux ainsi que leur curé Jean Claude Kanku ont organisé une veillée digne de celui qui aimait la vie « Honorius ». Le jour de ton enterrement, la Communauté de Sainte-Famille et les confrères t’ont dit merci « Ka Souris » pour tout ce que tu as été. Repose maintenant dans la joie de ton Maître. ■
par Jean-Patrice Ngoyi