Par Simon Mputu, cicm
L’année 2022 marque le 30e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement de la Mongolie. Mais bien plus important encore, pour les fidèles mongols, elle marque le 30e anniversaire de la présence de l’Église catholique dans ce pays. Oui, il y a 30 ans, trois missionnaires courageux se sont lancés dans une aventure pour partager le message du salut au peuple mongol. Nous avons la chance d’avoir encore deux de ces vaillants confrères avec nous : le Père Robert Goessens au Japon et le Père Gilbert Sales aux Philippines. Mgr Wenceslao Padilla (Wens), notre cher évêque, nous a déjà précédés auprès du Père.
Ce temps de célébration est sans aucun doute l’occasion de remercier Dieu pour les innombrables bénédictions accordées au peuple mongol au cours de ces 30 dernières années. Nous avons en effet la chance de faire partie de cet incroyable cheminement dans les Steppes, sur les pas de notre cher Fondateur, le Père Théophile Verbist, en tant que serviteurs dans cette vigne du Seigneur.
En effet, l’histoire des relations entre CICM et les Mongols n’a pas commencé après la Révolution démocratique ! Au début de notre Institut Missionnaire, CICM et le peuple mongol avaient déjà noué des liens. Les Mongols ont été parmi les premières personnes que CICM a servies dans le monde. Peu après son arrivée en Mongolie intérieure, en Chine, notre Fondateur avait insisté pour que certains CICM apprennent la langue mongole pour faire leur apostolat parmi les Mongols. Le Fondateur était déjà conscient que travailler parmi les Mongols ne serait pas facile. Il savait déjà que les Mongols n’étaient pas aussi ouverts et accueillants au message de l’Évangile que les Chinois. Cependant, cela n’a pas éteint en lui et ses compagnons le désir et la détermination d’apporter l’Évangile aux Mongols, car ils avaient foi en Dieu, le Maître de la mission. De là, nous pouvons comprendre que Verbist et les premiers confrères ne s’intéressaient pas à savoir s’ils seraient accueillis avec des fleurs ou si leur message trouverait un terrain favorable ou non. C’était plutôt leur amour pour la mission qui comptait. Dans une de ses lettres aux novices, il déclarait : « Pour celui qui aime, rien n’est difficile. » Cet amour les a conduits à embrasser la mission auprès des Mongols, malgré l’indifférence apparente et les conditions climatiques difficiles. On raconte que lorsque la CICM a été chassée de Chine (Mongolie intérieure), il y avait environ 2000 catholiques parmi les Mongols. Aujourd’hui, alors que l’Église célèbre 30 ans de cheminement avec le peuple mongol, il y a approximativement 1300 catholiques ici en Mongolie « extérieure ». Cela a donc un air du déjà vu.
Les temps ont changé, mais la mission est restée la même et la mentalité mongole ne semble avoir que très peu changé. Bien sûr, aujourd’hui, nous nous vantons des prouesses de la technologie moderne, qui nous permet d’être en contact avec nos proches. Bien que le climat soit resté le même, nous nous réjouissons d’avoir de meilleurs vêtements pour lutter contre le froid. Nous avons des humidificateurs et des purificateurs d’air pour garantir un air plus sain dans nos salons et nos églises. Mais nous sommes toujours confrontés à la même indifférence à l’égard de l’Évangile que Verbist et ses compagnons avaient affronté il y a plus d’un siècle. Nous sommes toujours confrontés aux mêmes difficultés que celles rencontrées par Mgr Wens, les Pères Robert et Gilbert il y a 30 ans. La seule différence serait peut-être qu’ils étaient motivés par ces défis et ces problèmes alors que nous en sommes effrayés ! Les flux et reflux qu’ils ont rencontrés les ont poussés à faire encore plus confiance à Dieu, alors que nous avons tendance à nous appuyer davantage sur nos capacités pour faire fonctionner les choses. Parfois, nous aimons nous présenter comme des réparateurs. Mais ensuite, lorsque nous nous rendons compte que nous ne pouvons rien réparer, nous nous décourageons et finissons par construire des « petits royaumes » autour de nous avec des personnes qui dansent sur le même pied que nous. Ou bien nous commençons à nous accuser les uns les autres pour nous assurer que quelqu’un porte le blâme.
En effet, beaucoup d’entre nous, pas seulement les CICM, mais les membres d’autres congrégations travaillant en Mongolie, expriment leur frustration face à la lenteur de la croissance de l’Église en Mongolie. Je me souviens comment le prêtre coréen Fidei Donum, actuellement recteur de la cathédrale Saints Pierre et Paul, a exprimé cette frustration pendant la messe lors de notre récollection de l’Avent l’année dernière : « Nous allons célébrer le 30e anniversaire de l’Église en Mongolie. Mais nos églises sont vides. Alors, qu’allons-nous célébrer ? », se lamentait-il. Il fait partie des vétérans ici. Si un vétéran est frustré de la sorte, que dire d’un nouveau venu !
Si nous examinons les chiffres, nous ne trouverons peut-être aucune raison de nous réjouir. De plus, le rythme auquel les autres églises chrétiennes, principalement les protestants, se développent peut nous gêner, ne serait-ce que pour dire aux autres que nous sommes ici depuis 30 ans. Une fois, je discutais avec un fidèle mormon mongol, et j’ai été surpris d’apprendre qu’ils ont plus de 20 missionnaires mongols dans d’autres pays, en plus des 62 autres qui travaillent sur place. En décembre 2021, leur église comptait plus de 11 000 membres. Mais l’Église mormone est arrivée en Mongolie un an après l’arrivée de l’Église catholique.
Cependant, célébrer un anniversaire comme celui-ci ne concerne pas tellement nos réalisations tangibles. Il s’agit plutôt de célébrer ce que Dieu a fait pour nous et à travers nous. Nous célébrons le fait que, malgré nos faiblesses et parfois nos infidélités, Il nous est resté fidèle et continue à cheminer avec nous. C’est peut-être aussi le moment de nous asseoir et de comprendre que Dieu ne nous a pas envoyés ici parce que les Mongols sont faciles à convaincre. Il ne nous a pas envoyés à la conquête. Nous sommes ici parce qu’Il veut que nous soyons ici. Il désire que nous cheminions ensemble avec nos sœurs et frères mongols, que nous soyons des témoins et non des conquérants ! Une telle attitude nous soutiendra dans les épreuves et nous gardera fidèles à Celui qui nous appelle à cette belle mission dans les Steppes. Nous devrions donc nous préoccuper davantage du type de témoignage que nous rendons plutôt que du nombre de participants à l’église.