Charles Phukuta, cicm
Supérieur général
(Voici l'homélie du Père Général, Charles Phukuta, lors de la Sainte Eucharistie pour la célébration du 162ème anniversaire de la fondation de CICM à Rome.)
Mes frères, c'est bon d'être ici ensemble ce matin pour célébrer l’anniversaire de notre Fondation : 28 novembre 1862 - 28 novembre 2024. Cent soixante-deux ans au service de la vigne du Seigneur. Comme nous le savons, Verbist avait déjà 37 ans lorsqu'il a envisagé pour la première fois de devenir missionnaire. Inspiré par l'œuvre de la Sainte Enfance, qui s'occupait des enfants abandonnés en Extrême-Orient et dans d'autres parties du monde, il pensait qu'il devrait faire plus pour les nécessiteux, en particulier les orphelins en Chine. C'est ainsi qu'il quitta sa Belgique natale pour la Chine, où il arriva avec ses premiers compagnons au cours de l'hiver 1865 et y mourra 27 mois plus tard, le 23 février 1868.
Comme nous le lisons dans l'Évangile et dans nos Constitutions à l’article 2, le Christ a ordonné à ses disciples : « Allez dans le monde entier ; annoncez l'Évangile à toute la création. » (Mc 16, 15). Notre Fondateur a mis en application ce commandement et continue de nous inspirer et de nous inciter à faire de même. Nous sommes une congrégation missionnaire dont la principale préoccupation est la mission que Dieu nous confie. Notre objectif principal a toujours été les besoins de l'église locale et des personnes à qui nous sommes envoyés.
Un anniversaire comme celui-ci est une fête et une occasion de porter sur le passé un regard en arrière avec gratitude et à renouveler notre enthousiasme pour l'avenir. C'est le moment de discerner de nouvelles voies et d'acquérir une nouvelle force pour apporter de l'espoir aux autres. Aujourd'hui, nous devons nous rappeler le but pour lequel Théophile Verbist et ses premiers compagnons ont commencé la congrégation. La Congrégation n'a pas été créée au profit de ses membres mais pour les autres : pour répondre aux besoins des autres. D'autres étaient au centre de l'attention ; nous devons garder ceux que nous sommes appelés à servir au centre de notre ministère. Ainsi, en tant que congrégation apostolique, nous avons toujours donné la priorité aux autres, à ceux qui devaient être servis.
L’enjeu de la mission de Jésus ne fut pas la sauvegarde de l’organisation religieuse de son temps. L’évangile rappelait mardi dernier que de tout cela, parlant du temple de Jérusalem, il ne restera pas pierre sur pierre (cf. Lc 21,6). En fait, Jésus n’a pas eu honte de s’inviter chez Zachée qui vivait de malversations; d’accueillir chaleureusement Marie-Madeleine et son vécu ; de s’arrêter pour causer avec Simon devenu Pierre qui, dans la culture de son temps était classé dans les basses classes ; de faire chuter Paul qui se voyait le plus parfait des parfaits pharisiens. Il a tellement fréquenté les non-fréquentables que tous murmuraient contre lui (cf. Lc 19,7).
Deux mille ans plus tard, ce style de vie définit la posture du disciple. Jésus nous envoie exprimer sa bonté et sa compassion, accompagner les gens que la société rejette. À une autre époque, saint Jean Chrysostome affirmait que si nous nous comportions en vrais chrétiens, en vrais missionnaires, il n’y aurait plus de païens. Comme pour dire que tous doivent trouver dans le missionnaire CICM quelqu’un qui lui est proche.
Dans son exhortation sur la sainteté, le pape François écrit que le critère pour évaluer notre vie est, avant tout, ce que nous avons fait pour les autres. Il ajoute que si nous nous occupons plus de nous-mêmes, nous n’aurons plus de temps pour les autres (# 107). 1
Aujourd’hui, prenons-nous ce chemin où tous peuvent trouver en nous des proches ? Savons-nous conserver ce trésor qu’est cette forme de vie, cette manière de Jésus de marcher ensemble avec nous et qui incarne l’essence même de la mission ? Depuis Vatican II, la mission n’est plus polarisée par la conversion à tout prix. Cela s’appelle du prosélytisme. Sa finalité est de vivre la forme de vie de Jésus. Notre mission est de veiller à être attentifs à la présence de Dieu dans les autres.
Aujourd'hui, alors que nous célébrons le 162ème anniversaire de notre Congrégation, nous devons revenir à l'esprit originel pour lequel la Congrégation a commencé. Nous devons appliquer notre attention principalement sur ceux que nous servons. De l'égocentrisme, nous devons aller vers l'hétérocentrisme. Notre Fondateur a écrit un jour : « Rien n'est difficile pour celui qui aime. »
Pour cela, voici quelques-unes des vertus absolument requises pour un missionnaire CICM selon notre bien-aimé Fondateur Théophile Verbist.
LE GÉNIE – « Sans doute le génie ne gêne jamais, mais vous vous trompez si vous vous imaginez que nous avons besoin d'un homme de grand talent. Non, mais, s’il n’y a pas beaucoup de vertu, ce talent pourrait même nuire. » 2
L'ESPRIT DE FOI – « Le missionnaire n’a que l'esprit de foi pour le soutenir et le prémunir contre les répugnances naturelles, les dégoûts, les ennuis qui peuvent souvent obséder son âme. » 3
L'AMOUR DU SACRIFICE – « L'amour du sacrifice... est la pierre de touche de la vraie vocation missionnaire. » 4
LES FORCES SPIRITUELLES – « Je manquerais à mon devoir si je vous cachais qu’humainement parlant, le terrain est ingrat et que les forces spirituelles doivent surpasser de beaucoup les forces corporelles. » 5
LA REGULARITE – « Serrons nos rangs et rappelons-nous que l'ordre conduit à Dieu ; l'ordre dans le lever, dans les exercices de piété, dans l'heure des repas, dans les récréations, leur mode, et dans les sorties. » 6
LA POLITESSE – « Nous succédons à des français dont les formes sont très policées et le langage soigné ; des hommes sans éducation et aux formes rustres nous sont très nuisibles. » 7
LA DOUCEUR ET LA PATIENCE – « Les vertus les plus nécessaires ici sont la douceur et la patience. N'acceptez pas, mon cher Bax, des candidats au caractère violent. Ils sont malheureux et rendent les autres malheureux. » 8 « Faites bonne provision de vertus et surtout d'abnégation, de patience et de résignation ; quoiqu'il arrive, avec cette armure on est à l'abri des coups de l'ennemi et on tire parti au moins pour soi-même de ses efforts et de sa bonne volonté. » 9
Finalement notre fondateur parle de la nécessité du COURAGE : « Encore une fois, courage; que les difficultés et même les malheurs nous trouvent résignés à la sainte volonté de Dieu. Sanctifions-nous, mon Cher, et pensons souvent à ce but que nous nous sommes mis en première ligne devant nous, en nous consacrant aux missions. » 10 « Il nous faut ici beaucoup plus de bons et vrais missionnaires que beaucoup de prêtres. C'est pourquoi vous devez renoncer à l'idée d'accepter beaucoup de sujets, mais apporter un soin particulier au choix que vous ferez. » 11
Chacun d'entre vous a contribué aux 162 ans d'histoire de notre Congrégation, et aujourd'hui, nous sommes unis dans une mosaïque colorée pour célébrer. Pourtant, le défi est pour l'avenir. Pouvons-nous maintenir et continuer à faire les sacrifices opportuns et
désintéressés de nos prédécesseurs ? Aujourd'hui, nous avons la responsabilité de maintenir le feu de notre charisme allumé et de répandre ses flammes partout où nous sommes.
Comme les anniversaires sont importants pour nous, l'anniversaire de notre Congrégation CICM l'est aussi pour nous tous, CICM. Alors que nous célébrons notre 162ème anniversaire, que la foi en Dieu, la confiance en la Divine Providence et la passion missionnaire de Verbist nous fortifient. Que Dieu nous donne la grâce de vivre pleinement le charisme et la mission qui nous ont été confiés et de le faire de manière nouvelle et plus significative pour les réalités d'aujourd'hui. CICM a un grand passé... Puisse-t-il avoir un avenir prometteur et brillant ! Bonne et bénie Journée de la Fondation à chacun de vous. §
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1 Exhortation Apostolique Gaudete Et Exsultate du Saint-Père François sur L’appel
à la Sainteté Dans Le Monde Actuel, #104.
2 Lettre de Suen-Hoa-Fou, à « mes chers Amis » de Scheut, 24 août 1866.
3 Lettre du 20 octobre 1867.
4 Lettre du 16 mars 1867 à Joseph Wilryckx.
5 Lettre du 20 octobre 1867.
6 Lettre de Si-Wan-Tse, 16 décembre 1864, à M. Bax.
7 Lettre de Si-Wan-Tse, 24 février 1867, à MM. Bax et Rutjes.
8 Lettre de Si-Wan-Tse, 24 avril 1867, à M. Bax.
9 Lettre de Si-Wan-Tse, 24 janvier 1868 « aux chers Romains ».
10 Lettre de Si-Wan-Tse, 22 juillet 1867 à M. Bax.
11 Lettre de Si-Wan-Tse, à M. Bax, 8 juin 1867.
