Jacques Brui
(1933-2022)
Né à Mouscron (Belgique) le 5 juin 1933
Premiers vœux le 1er novembre 1959
Vœux perpétuels le
Il a été missionnaire au Congo (Kinshasa) et en Belgique.
Décédé à Anderlecht (Belgique) le 29 octobre 2022, à l'âge de 89 ans.
Jacques était plutôt avare en paroles. Il ne disait pas un mot de trop. Souvent même, il répondait avec un seul mot aux questions qu’on lui posait. On le taquinait régulièrement en disant que Jacques Brui ne faisait pas beaucoup de bruit. Mais ses mimiques en disaient long. Lorsqu’on se souciait de lui ou de sa santé, une de ses expressions préférées était : “T’en fais pas”, c‘est-à-dire ne vous en faites pas pour moi. Jacques ne voulait être à charge de personne, il n’aimait pas qu’on s’occupe de lui, il ne cherchait pas à être au centre des attentions. Il ne demandait ni ne revendiquait rien pour lui-même. Même ses anniversaires, il aurait préféré les célébrer dans la discrétion. Les derniers mois lui ont été d’autant plus pénibles, car il était devenu dépendant, et cela allait à l’encontre de sa personnalité.
Jacques a connu un parcours missionnaire presque linéaire, sans détours. Comptable de profession, il a su mettre ses talents avec compétence et rigueur au service de différents économats et procures, veillant tout à la fois au bien des confrères et de la Congrégation, soucieux d’une gestion fiable en bon père de famille. Il avait horreur du gaspillage. Il n’a jamais pris de vacances, et même lorsqu’il allait visiter sa famille au Canada, c’était pour travailler. Ses hobbys, c’étaient les timbres et les fleurs du jardin de la Rue Berckmans.
Lorsque sa tâche fut achevée et la relève de l’économat assurée, et qu’il aurait pu jouir d’un repos bien mérité, Jacques s’engagea comme volontaire au service des patients et visiteurs à la Clinique Edith Cavell d’Uccle. Après le travail quelque peu austère des chiffres de l'Économat, Jacques s'était épanoui comme volontaire à Cavell. Il y avait retrouvé une nouvelle jeunesse parmi le personnel infirmier, surtout féminin, et en avait gardé de bons souvenirs. Un service qu’il avait assumé avec dévouement pendant 15 ans. De cela, il parlait volontiers, car cela le passionnait, Il se sentait utile et apprécié. Quand il faisait allusion à ses bonnes relations avec les infirmières, je le tançais gentiment en disant : “Jacques, ce n’est plus de ton âge” et il souriait. Cerise sur le gâteau, il pouvait y récupérer des timbres non oblitérés ou des batteries encore utilisables, qu’il était fier d’apporter à Scheut. Pour Jacques, c’étaient de détails qui comptaient. Il n’y a pas de petites économies. C’était sa manière à lui de contribuer à l’écologie.
Nos chemins se sont croisés, il y a près de 50 ans, au Scopenko (Scolasticat Père NKongolo) de Kinshasa. Jacques y était Économe et moi je suivais le cours de lingala. Je lui ai souvent rappelé qu’il m’avait alors confié la boutique de la communauté, c’est-à-dire le petit magasin avec quelques produits de base pour le groupe des étudiants internes que nous formions. Je le taquinais en disant que j’avais apprécié la confiance qu’il m’avait accordée, à moi un inconnu. Ce fut le début d’une complicité qui ne s’est jamais démentie. Mes congés successifs, je les ai passés en grande partie à la Rue Berckmans, où je retrouvais chaque fois Jacques, fidèle au poste comme Économe provincial ou local. À la Rue Berckmans, Jacques était une référence. C’est lorsqu’il était venu nous rejoindre à Anderlecht que j’avais commencé à l’appeler ndoyi, mon homonyme, un titre affectueux qu’il avait fini par accepter bon gré mal gré. Je pouvais le taquiner comme je voulais, il ne s’en était jamais offusqué, car les taquineries s’inscrivaient dans la familiarité de notre relation de ndoyi, dans un contexte de confiance et de respect mutuels, de reconnaissance aussi pour tout ce qu’il avait été. Il savait que je l’acceptais avec ses manies et ses limites.
Combien de fois n’a-t-il pas répété: “T’en fais pas,” lorsque je me souciais de lui ou de sa santé. Mais en réalité, il était au fond de lui-même un grand sensible, malgré les apparences parfois contraires, et les taquineries étaient une manière informelle de communiquer et de le mettre dans le coup.
“T’en fais pas.” Ce furent ses dernières paroles lors de ma visite à l’hôpital deux jours avant sa mort. Ce sont des paroles pleines de confiance et de sérénité. Ne t’en fais pas pour moi. Jacques se savait en bonnes mains, car il avait remis sa vie entre les mains de Celui qui avait été son fidèle compagnon tout au long de sa vie religieuse et missionnaire.
Jacques Thomas