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    Vivre nos différences : Des défis et des opportunités

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    Jozef MattonBy Jozef Matton, cicm
    Conseiller général

     

    Nous ne devons pas déployer trop d’efforts pour constater que nous sommes tous différents les uns des autres.

    Ces dernières semaines et même ces derniers mois, tous, nous avons effectivement été témoins d’un regain de racisme et de violences liées au racisme. Et ce phénomène ne concerne pas seulement les États-Unis. Apparemment, pour certaines personnes, accepter les différences n’est pas possible. Et pourtant une évidence saute aux yeux : nous sommes tous différents et parfois très différents et dans des domaines très variés. Les jumeaux sont peut-être moins différents au niveau physique. Et pourtant, chacun des deux suivra sa propre voie et construira sa vie à sa propre manière, éventuellement avec un partenaire qu'il ou elle aura choisi et non avec son frère jumeau ou sa sœur jumelle.

    Ce n'est pas différent en CICM : nous sommes tous différents les uns des autres. On dit qu'à Scheut, on peut trouver un spécimen de chaque espèce. C’est avec toutes ces différences que nous devons vivre ensemble ou, pour mieux l’exprimer et d’une façon plus positive, que nous pouvons vivre ensemble.

    Nos différences : un défi

    Nous constatons souvent dans notre environnement proche ou éloigné que les différences peuvent conduire à des différends. Nous ne devons pas courir loin pour en être témoins. Des ménages en souffrent parfois. Des relations de travail sont parfois mises sous pression à cause des différences entre les personnes. Les communautés religieuses n’échappent pas à cette souffrance.

    Nous savons trop bien que vivre avec les autres, et donc avec des gens différents de nous, n'est pas toujours évident, que ce soit dans les communautés religieuses ou dans les familles. Et pourtant nous disons facilement : « Ce ne serait pas une bonne chose si nous étions tous semblables : la vie serait trop monotone. » Un bouquet de fleurs de la même variété et de la même couleur est-il d’office le plus beau bouquet ou le contraire ? Même sur ce point, les opinions diffèrent.

    La variété, qui implique des différences, n'est donc pas toujours source d'harmonie. Il faut de la pratique et des efforts. De même qu’un orchestre d'harmonie doit beaucoup s'entraîner pour s'assurer que tous les instruments fusionnent en une seule unité tout en conservant leur propre timbre et leur place spécifique dans l’ensemble. Il faut parfois s'effacer. Qui n’a pas été témoin de cette réalité et ne l’a pas vécue dans sa propre vie ?

    Nos différences :  une opportunité

    Vivre et, surtout vivre ensemble, signifie vivre avec des différences. Cela ne devrait pas toujours conduire à des différends, parce que ces conflits ne concernent souvent que l’extérieur, la peau ou la coquille. Il est rare que le noyau soit à l'origine du différend. C'est précisément ce noyau qui peut nous aider à transcender les différences et à les vivre comme une variété enrichissante.

    Et le noyau ? Mon opinion est que pour nous tous CICM, il consiste en notre foi en Jésus Christ et en notre engagement libre de le suivre ensemble dans sa mission libératrice. Nous ne nous sommes pas engagés pour notre propre compte ou pour notre propre profit.

    Il s’agit d’un engagement commun. Le tout premier article de nos constitutions le dit déjà : « La Congrégation est un Institut missionnaire religieux international. Fondé par Théophile Verbist, il est dédié au Verbe Incarné, sous le titre et le patronage du Cœur Immaculé de Marie. (Const. Art. 1) » En s’engageant dans l’Institut, chacun de nous prend conscience de ce caractère international. Il s’agit d’un élément constructeur de notre identité CICM.

    En ce moment, nous sommes environs 800 confrères dans notre Congrégation, autant de personnes différentes, chacune avec ses caractéristiques et ses qualités spécifiques. Il est impossible de dresser une liste des éléments qui nous différencient au sein de notre Congrégation, au sein de notre Province et au sein de nos petites ou grandes communautés. Généralement, nous n'avons pas créé ces différences nous-mêmes. Depuis notre naissance, nous avons hérité de nombreuses différences. Mes expériences ne sont jamais similaires à celles d'un autre. Ma façon de gérer ces expériences agréables et désagréables est originale et n'est jamais identique à la façon utilisée par quelqu'un d'autre. Cela me rend unique par rapport à l’autre. Cela devrait me rassurer. Je ne dois pas être comme l’autre. Je peux et j’ai le droit d’être moi-même. Inversement, l'autre ne doit pas être un double de ma personne. Il n'y a pas de modèle uniforme d'être un missionnaire CICM.

    Nos différences : une richesse

    La réalité de la riche histoire de notre Congrégation montre que les peaux ou les coquilles sont toutes très différentes. Nous avons une grande variété, une mosaïque de présences parmi les gens de cultures très diverses. Cette diversité a fait grandir la Congrégation et notre souhait le plus profond est que celle-ci puisse continuer à grandir dans l'avenir. Nous ne devons pas simplement accepter ces différences, cette diversité et cette variété et apprendre à vivre avec elles. Nous devons nous atteler à construire et à vivre une vie missionnaire engagée et fructueuse avec d'autres confrères, même si nous sommes peut-être plus avancés en âge. Ce défi majeur pour chacun de nous restera fondamental au sein de notre petite ou grande communauté, au sein de notre Province et certainement au sein de notre Congrégation. C'est peut-être le plus grand défi pour l'avenir de notre Congrégation.

    Une tentation peut surgir : celle d’utiliser le fait que nous sommes tous uniques pour réaliser notre propre projet ou pour justifier nos erreurs et nos lacunes éventuelles. Malheureusement, cela se produit également. En agissant ainsi, nous nous cachons, nous évitons de nous remettre en question. Nous faisons peu d’efforts pour reconnaître ce problème, en accepter les conséquences, travailler pour le résoudre et ainsi vivre d’une manière nouvelle et plus cohérente.

    Il se peut que certains d’entre nous disent : « Vous devez comprendre, il est comme ça. » Peut-être que cela aide les autres à nous accepter tels que nous sommes et à rendre possible le « vivre ensemble » avec nous ; mais ne permettons pas que cela soit pour nous-mêmes une excuse qui justifie tout. Quand je focalise sur mon être différent des autres, que je le transforme en un culte et que je l’utilise comme argument de toutes les excuses, j’apporte peu de valeur ajoutée à la communauté, petite ou grande, loin de là. La seule chose qu’on pourrait dire, c’est que c’est humain. Cela devient très difficile lorsque je veux être la norme déterminante de jugement ou d’évaluation des autres. L’autre ne devrait pas être le clone de moi-même, et ma personnalité ne devrait pas être un élément normatif de ma vision de l’autre.

    Côtoyer des gens, des confrères d’origines ou de cultures diverses nous permet d’apprendre à découvrir le monde, et comment on peut y vivre. Il est toujours intéressant de voir que le monde ne se limite pas à la cour de récréation ni à notre maison ni à notre couvent par exemple. Nous pouvons également développer des qualités utiles comme : la tolérance, le respect des autres, la reconnaissance de la dignité des autres et l’ouverture d’esprit. La différence est une richesse incroyable. Il suffit d'accepter les autres, et leur montrer que moi aussi je mérite d’être accepté parce que ma culture est aussi intéressante que celle des autres.

    Pour conclure

    Je voudrais reprendre une petite partie de l’homélie que j’ai prononcée à la fin de ma visite canonique à l’AIFC aux Philippines en 2018.

    « Bien sûr, un grand défi pour chacun de nous est la vie multiculturelle, non seulement dans les maisons de formation, mais aussi dans la mission. Nous l’expérimentons dans notre vie quotidienne aussi ici à l’AIFC. Chacun de nous a sa propre culture, même si nous venons du même pays ! Moi, je suis né dans une famille d’agriculteurs. J’ai fait l’expérience très claire dès le début que des confrères résidant en ville avaient une culture, une façon d’agir et de penser qui était différente de la mienne. Mon humble expérience m’a appris que :

    • nous devons tout d’abord tolérer que les cultures des autres soient ou peuvent être différentes !
    • Mais cela ne suffit pas. Nous devons accepter que les cultures des autres soient ou peuvent être différentes.
    • Mais plus qu’accepter, nous devons apprécier les cultures des autres. La vie et la collaboration en esprit multiculturel ne sont pas possibles si nous ne pouvons pas apprécier la culture de ceux avec qui nous partageons la vie et le travail.
    • Mais apprécier la culture des autres ne suffit pas ; il nous faut aussi apprendre de la culture des autres ! Nous pouvons tous apprendre des autres ! La culture des autres peut nous enseigner quelque chose, mais pour cela, nous devons être ouverts à cette possibilité, parce que nous ne sommes certainement pas meilleurs que les autres. Certains d’entre vous m’ont dit clairement que la culture des autres les avait aidés à apprendre pas mal de choses, même sur eux-mêmes ! »

    Nous avons un engagement commun : vivre tous ensemble avec notre diversité. Le reste n’est que la peau. Même si la peau diffère, la partie nutritive est là. Elle est sous la peau !

    Chers confrères dans toutes nos maisons et toutes nos communautés, même sur nos vêtements liturgiques nous retrouvons notre devise : « Cor Unum et Anima Una. » Prions et efforçons-nous surtout pour que cette devise ne se réduise pas en vains mots !