Par Jean Peeters, cicm
En Belgique, comme dans de nombreux pays européens, des milliers de personnes essayent d’obtenir le statut de réfugié afin de pouvoir résider légalement sur le territoire et de bénéficier de tous les droits comme les Belges. Mais comme les conditions d’admission sont strictes – par exemple, prouver qu’on est en danger de mort dans son propre pays, que l’on y risque la prison pour le fait d’être gay – plus de 140 000 personnes vivent chez nous en toute illégalité parce que leur demande a été refusée trois fois. Juridiquement, ils n’existent pas et n’ont absolument aucun droit sauf pour des soins médicaux d’urgence.
Malgré l’occupation de l’église du Béguinage à Bruxelles en 2021/2022, par près de 120 personnes pendant six mois, suivie d’une grève de la faim puis de la soif et la menace de faire chuter le Gouvernement, les critères pour leur régularisation n’ont pas évolué : un échec cuisant et une grande déception. Interpellés, les membres de la Commission de Justice, Paix et Intégrité de la Création de la Province CICM de België-Nederland se sont mobilisés pour rédiger un appel au Gouvernement dans tous les médias et essayer ainsi de faire évoluer la mentalité belge.
Scandalisés par la situation de ces personnes, nous ne demandions pas tellement leur « régularisation » complète, mais au moins nous demandions que ces personnes puissent bénéficier des droits essentiels pour une vie digne : le droit de porter plainte en cas d’agression sexuelle sans danger d’être expulsés, le droit de travailler, de suivre une formation, de poursuivre des études, d’avoir un compte en banque, ou un permis de conduire, etc.
En effet, la plupart de ces personnes vivent parmi nous grâce à un travail non déclaré. Ces travailleurs clandestins ou au noir, hommes et femmes, sont très nombreux dans les entreprises de construction, sur les marchés. Elles travaillent aussi comme baby-sitters, aides-ménagères et repasseuses, mais toujours avec des salaires de misère. La communauté de base du Béguinage dont je suis membre, les a souvent rencontrées, plusieurs nous ont montré les cicatrices dues à un accident de travail, mais sans indemnités, d’autres nous ont raconté les conditions dans lesquelles elles étaient obligées de travailler presque comme des esclaves : sans habits adaptés, 10h du travail par jour, travail de week-end, logées sur place, pas de soins médicaux, licenciées sans paiement, impossible d’envoyer de l’argent à leurs familles avec Western Union puisqu’il faut une carte d’identité...
JPIC s’est ainsi mobilisé pour intéresser d’autres instituts missionnaires masculins et féminins afin de rédiger un texte commun comme suit :
Nous, missionnaires qui avons vécu dans divers pays de l’hémisphère sud, avons un très bon souvenir de l’hospitalité de ces populations. Certains d’entre nous ont été témoins de la souffrance de leurs semblables sur le terrain, sous les dictatures, les guerres, les persécutions, l’exploitation, l’accaparement des terres, l’appauvrissement sous le poids de la dette de leur pays, les problèmes liés au réchauffement climatique… Nous comprenons leur désir de fuir leur pays au péril de leur vie. (…..) Par conséquent, (…), nous, missionnaires, demandons au gouvernement d’établir sans délai une nouvelle commission parlementaire qui s’occuperait de la protection des droits de ces personnes résidant sur notre territoire. Elle devrait notamment examiner ce qui se fait sur d’autres continents, comme les accords entre les États-Unis et divers pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud concernant des offres d’emploi spécifiques (……). Pour nous, anciens missionnaires, l’essentiel est que la Belgique trouve le moyen de garantir les droits humains à des personnes qui ne quitteront de toute façon pas le sol belge (….).
Traduite en deux langues, cette lettre a été signée en premier lieu par Martin, notre Supérieur provincial et ensuite par une trentaine d’instituts missionnaires francophones et néerlandophones, masculins et féminins. La lettre est parue non seulement dans un grand journal francophone, mais également dans tous les médias catholiques néerlandophones et francophones ainsi que sur leurs sites web.
Par cette action, l’objectif de JPIC était d’essayer d’influencer la mentalité de nos concitoyens en faveur de l’obtention des droits de la personne afin qu’ensuite, les hommes politiques osent proposer des lois. Car l’on sait que les politiciens ne proposent que ce qui plaît à leurs électeurs. Il faudra encore des années de lutte avant d’y arriver.
Des sans-papiers occupent l'église du Béguinage à Bruxelles