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    L'espoir d'une vie meilleure

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    Boniface MwawatadiBoniface Mwawatadi, cicm
    Missionnaire au RD Congo

      

    Le Père Boniface Mwawatadi est confronté à l'extrême pauvreté des personnes laissées pour compte à la Paroisse Sainte-Louise de Marillac dans le quartier de Ngombe-Lutendele, dans la banlieue ouest de Kinshasa.

    Les hommes et les femmes du district de Ngombe-Lutendele traversent une épreuve indescriptible. Malgré ces souffrances, il est largement reconnu que la RD Congo a la réputation notoire d'être l'un des pays les plus riches d'Afrique et du monde. La République démocratique du Congo est une source importante de ressources stratégiques, notamment de terres rares et de minéraux, dont beaucoup restent inexplorés. Ces ressources sont essentielles à la survie de l'humanité, positionnant la RD Congo comme un potentiel « pays solution » aux besoins mondiaux.

    La situation présente paradoxalement l'image d'un État « en faillite » avec un indice de développement qui le place parmi les pays les plus pauvres du monde. Bien qu'il s'agisse sans aucun doute d'une responsabilité sociétale collective, elle résulte principalement de la direction transitoire d'une République dirigée par des individus qui n'en ont pas conscience. C'est à cela qu'a fait écho feu le Cardinal-Archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent-Monsengwo Pasinya, qui déclarait : « Que les médiocres soient éliminés ! Ils se comportent comme des hédonistes impénitents, et avec indifférence et insouciance, ils trouvent des boucs émissaires pour justifier leur mauvaise gouvernance. »

    Certaines personnes remarquables choisissent de briser le cycle du désespoir sans tomber dans l'afro-pessimisme ou sans se laisser submerger par un sentiment d'inévitabilité. Ils quittent le confort des palais ornés de la ville et s'aventurent dans les quartiers abandonnés, où leurs concitoyens vivent dans des conditions presque infernales. Poussés par leur foi et leur résilience, ils croient fermement que même dans les profondeurs de la souffrance – sans parler de la menace du néant et de l'anéantissement – il y a encore le potentiel d'une vie meilleure et de l'espoir.

    Contrairement à l'expression « Mbok'Ekufa kala », qui suggère que le pays a depuis longtemps connu une vraie disparition, les critiques de la République expriment l'espoir d’un « Congo Ekobonga ». Ce terme signifie une nation qui renaîtra de ses cendres. La croyance est que le Congo sera sauvé, et que toute l'Afrique sera sauvée !

    Cet article est du Père Boniface Mwawatadi, missionnaire religieux et prêtre de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM). Il est vicaire de la paroisse Sainte-Louise de Marillac dans le quartier Ngombe-Lutendele de la commune de Mont-Ngafula. Sainte Louise de Marillac est l'une des nombreuses saintes connues pour son dévouement au service des plus pauvres d'entre nous. Comme d'autres figures notables de l'histoire de l'Église catholique, telles que Vincent de Paul et François d'Assise, on se souvient d'elle pour son travail impressionnant.

    Témoignage du Père Boniface Mwawatadi, cicm : Je sers en tant que prêtre à Ngombe-Lutendele, une mission située dans la périphérie de Kinshasa. Une des zones les plus pauvres, si ce n'est la plus négligée, par les autorités du pays. Il s'agit d'une vaste étendue rocheuse qui s'étend le long de la rive gauche du magnifique fleuve Congo.

    Manque d'eau potable et d'électricité

    Les habitants de ce quartier vivent sans accès à l'eau potable ni à l'électricité. S'ils peuvent se passer d'électricité, ils ne peuvent pas se passer de l'eau, essentielle pour cette communauté de la banlieue ouest de la capitale congolaise. Ils sont contraints de compter sur les puits ou l'eau des rivières. Malheureusement, la situation s'aggrave lorsque les puits s'assèchent pendant la saison sèche. Ceux qui peuvent se le permettre peuvent forer pour trouver de l'eau à des profondeurs supérieures à 15 mètres, mais ce n'est qu'une option pour certains.


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    Pas de bonnes routes

    En raison de la négligence des autorités, les principales routes d'accès et diverses infrastructures routières sont gravement détériorées. En conséquence, plus de 16 000 habitants vivent isolés, coupés du reste de Kinshasa. Les étudiants et les membres de la communauté trouvent difficilement des moyens pour leurs déplacements et la conduite de leurs activités quotidiennes. Le manque de routes adéquates empêche également les prêtres et les agents pastoraux de se rendre à la communauté paroissiale de Saint-Maurice-Ngombe.

    La pauvreté et l'absence d'établissements d'enseignement et de soins de santé viables contribuent de manière significative aux défis auxquels la communauté est confrontée. Les visites pastorales ont malheureusement révélé que de nombreux fidèles vivent dans des conditions misérables caractérisées par le chômage et un taux élevé de toxicomanie et de consommation de cannabis chez les jeunes. La population laissée à elle-même et abandonnée à sa situation malheureuse conduit à une vie déconnectée de la modernité et des évolutions qui se produisent à la fois dans la ville et dans le monde.


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    Églises de réveil

    Cela en fait un terrain fertile pour les vendeurs sans scrupules et les charlatans de tous bords, en particulier les pasteurs des mouvements religieux des églises dites «revivalistes». Pour la foi catholique, cela a signifié l'abandon de l'essentiel qui formait autrefois le fondement des valeurs et des vertus chrétiennes. À titre d'illustration, certains croient qu'il est illusoire pour un jeune croyant de se marier tôt et religieusement, d'obéir aux lois de Dieu et aux lois naturelles telles que le respect de la vie et des femmes, la reconnaissance du droit d'aînesse, le respect des parents et la pratique des bonnes manières telles que saluer, dire merci, pardonner et s'excuser ; éviter la violence aveugle et la vengeance ; ne pas se livrer au crime ou au vol avec le phénomène connu du nom de « Kuluna », mais s'engager à promouvoir la solidarité, le partage, la « communaucracy, », la conservation et la protection de la biodiversité et de l'environnement, ainsi que l'intégrité de la création.

    L'animation missionnaire

    En tant que curé d'une nouvelle paroisse établie il y a moins de cinq ans, nous sommes guidés par les directives des Scheutistes pour la Mission. Notre rôle est de faciliter les rencontres entre Jésus-Christ et les nations, en permettant aux gens de faire l'expérience du Royaume de Dieu tel qu'annoncé par Jésus dans le contexte que Dieu leur a fourni.

    Nous collaborons avec des ministres laïcs affectés à divers apostolats au sein de la communauté. Ces responsabilités comprennent la visite aux pauvres et aux malades, l'administration des sacrements, la formation des jeunes à la protection de l'environnement et la célébration régulière de l'Eucharistie avec les fidèles.

    L'animation missionnaire consiste à sensibiliser les autorités locales, à construire et à mobiliser des Communautès Ecclesiales Vivantes de Base (CEVB), et à collaborer pour créer,

    ou du moins promouvoir, un monde meilleur au sein de leur environnement local. Ces initiatives s'inscrivent dans la ligne de nos confrères pionniers scheutistes, qui s’étaient établis dans ce quartier, particulièrement dans la nouvelle paroisse de Sainte-Louise de Marillac. Par conséquent, il est essentiel de repenser la pastorale traditionnelle et de mettre en œuvre de nouvelles approches et stratégies pour adapter l'évangélisation aux défis d'aujourd'hui. Ce faisant, nous pouvons rendre notre message de salut plus crédible et contribuer à restaurer l'image de l'Église.  §


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    Mission et sauvegarde de la création

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    Jean PeetersKhonde Ntoto Frederic, cicm
    Missionnaire au Japon

      

    Le monde contemporain est confronté à de nombreux problèmes qui préoccupent particulièrement l'Église. Deux de ces problèmes sont la menace d'une guerre nucléaire et le changement climatique. Les pays dotés de l'arme nucléaire tels que les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Inde, le Pakistan, la Chine et la Russie ont consacré un budget important à la modernisation de leur arsenal. Une telle décision et la banalisation apparemment croissante de la menace d'utiliser des armes nucléaires dans la rhétorique de certains dirigeants ont alarmé de nombreuses personnes dans le monde, y compris le Secrétaire général de l'ONU, sur le risque de destruction nucléaire.

    On craint que la Russie n'utilise des armes nucléaires dans son invasion de l'Ukraine et que l'arsenal de la Chine ne s'agrandisse. Alors que la Corée du Nord a continué à développer ses programmes balistique et nucléaire, la recherche sur le développement nucléaire de pays comme l'Iran, avec ses répercussions possibles dans la région du Moyen-Orient et dans le monde, a été une préoccupation importante pour la communauté internationale. Cependant, malgré la crainte d'une prolifération nucléaire entre de mauvaises mains, le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (1968), communément appelé Traité de non-prolifération (TNP), a été signé par 93 pays et régions et ratifié par 69 d'entre eux. Aucun des pays qui possèdent des armes nucléaires n'a ratifié le Traité.

    La communauté internationale est confrontée à un défi sur le front du changement climatique. La 28ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), également connue sous le nom de COP28, s'est tenue du 30 novembre au 12 décembre 2023 à l’Expo City, à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Bien que la conférence ait reconnu la nécessité de s'éloigner des combustibles fossiles, elle a été critiquée pour ne pas avoir pris d'engagement clair en faveur de l'élimination progressive ou de la réduction progressive de leur utilisation. La Chine et l'Inde, par exemple, ne se sont pas engagées à tripler leur production d'énergie renouvelable et se sont plutôt engagées dans l'énergie au charbon. Toutes ces incertitudes soulèvent des questions sur le rôle de la mission de l'Église dans un monde menacé par la guerre nucléaire et le changement climatique. Alors que certaines personnes croient que le défi actuel n'est lié qu'à la survie sur une Terre menacée par un changement climatique désastreux, cela peut être trompeur car la paix et la justice font encore partie de la mission de l'Église aujourd'hui.

    Le changement climatique et la prolifération nucléaire ont des répercussions importantes sur le bien-être des populations, y compris sur leur sécurité et leurs droits. La mission de justice, de paix et de gestion de la création, que mène l'Église, fait partie intégrante de la résolution de ces problèmes. Le Conseil œcuménique des Églises l'a formulé comme suit :

    « La paix, la justice et l'intégrité de la création ». L'encyclique Laudato Si (2015) du pape François souligne la nécessité de défendre les personnes en situation de pauvreté et de protéger leur environnement naturel. Pour illustrer l'engagement de l'Église dans la lutte contre l'impact du changement climatique en Amérique latine, un cas mérite d'être souligné ici.

    Le Réseau ecclésial pan-amazonien (REPAM) travaille depuis mars 2015 à la protection des peuples autochtones et contre l'exploitation des ressources naturelles de la région amazonienne. Le REPAM a été créé en 2014 en réponse aux graves préoccupations du pape François et de l'Église latino-américaine concernant les « blessures profondes qui touchent l'Amazonie et ses peuples ».  Le réseau promeut la défense de la vie, de la terre et des cultures de la région amazonienne, et son travail entend :

    • Permettre aux leaders autochtones de se faire entendre sur la scène mondiale.
    • La formation de leaders communautaires et d’agents pastoraux à leurs droits humains et environnementaux.
    • Soutenir les affaires de la défense des droits de l'homme.
    • Protéger les tribus de l'Amazonie.
    • Affirmer leur droit de vivre sans être dérangés.

    Par exemple, en septembre 2018, le REPAM a conduit une délégation à la rencontre de l'Union européenne avec deux leaders autochtones du Brésil pour rendre compte des violations des droits sur leurs territoires. Les dirigeants se sont également exprimés à l'ONU en avril 2018 sur les violations des droits de l'homme et la destruction de l'environnement au Pérou et au Brésil. Le REPAM est un exemple concret d'engagement visant à promouvoir JPIC en travaillant avec les communautés locales et en leur donnant les moyens d'agir. Bien que le contexte de l'Amazonie soit très différent du nôtre, nous pouvons entreprendre diverses initiatives avec nos communautés locales.

    Lors de la session JPIC qui s'est tenue en mars 2023 à Rome, j'ai été particulièrement impressionné par la manière dont les confrères de Belgique, ainsi que d'autres congrégations et organisations, ont réussi à influencer l'Union européenne sur une affaire concernant les droits des migrants. Bien que la prolifération non nucléaire et le changement climatique soient des questions importantes qui peuvent sembler au-delà de nos capacités, il existe des moyens possibles de contribuer aux efforts du monde si la volonté existe. Par exemple, nous pouvons travailler avec les communautés locales pour les sensibiliser ou les responsabiliser. Nous pouvons également participer à des réseaux religieux qui s'impliquent activement dans la lutte pour les mêmes questions ou soutenir financièrement, matériellement et moralement des organisations locales et internationales qui font le même travail. Lors de l'une de nos réunions ici au Japon en tant que comité de district de JPIC, j'ai été impressionné par la façon dont un membre du comité a mentionné à plusieurs reprises la question de la non-prolifération et a soutenu le travail des organisations impliquées dans ces questions, telles qu'Amnesty International, qui travaille sur les questions des droits de l'homme.  §

     


    110.000 esclaves en Belgique ?

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    Jean PeetersJean Peeters, cicm
    Missionnaire en Belgique

      

     

    Situation

    Ce n’est pas une « fake news », mais heureusement, selon l’asbl « Walk Free » , notre pays n’est que le 154e sur 160 pays recensés. Ouf, il n’y a que 110.000 victimes de la traite des êtres humains aujourd’hui en Belgique.

    On connaissait déjà les femmes asiatiques ou non européennes obligées de se prostituer à Anvers, Bruxelles et Liège, car les proxénètes avaient confisqué leurs papiers d’identité dès leur arrivée. Ces pauvres filles avaient été embauchées par des recruteurs qui cherchaient des serveuses pour des magasins et des cafés ! Le journaliste Chris De Stoop avait dénoncé cette pratique en 1992 dans son célèbre livre « Ze zijn zo lief », un meneer qui a conduit à la création de l'asbl PAG-ASA pour lutter contre ce fléau et essayer d’en sauver l’une ou l’autre. Plus tard un autre livre a dénoncé les odeurs dégagées par les machines à lessiver au quartier Anneessens à Bruxelles: des hommes et des femmes enfermés dans les caves pour faire les énormes lessives des draps de lit venant d’hôtels chics de la ville!

    Au début 2022, PAG-ASA dénonçait l’arrivée massive de prostituées chinoises privées de papiers dès leur arrivée. Ensuite, grâce au réseau TikTok, ce sont des garçons afghans qui ont été attirés et obligés de se prostituer pour soi-disant rembourser les 10.000 $ qu’avait coûté leur traversée de l’Océan / arrivée en Belgique. À Anvers, ce sont 50 travailleurs esclaves qui ont été découverts sur le chantier de construction de l’usine Borealis.

    Et le plus interpellant, c’est que la plupart de ces personnes occupent des postes où la main d’œuvre belge est insuffisante, même parfois dans des métiers qualifiés. Des parlementaires belges auraient fait la remarque qu’ils devraient être contents, puisque normalement ils doivent être expulsés.

    Leurs droits: www.fairworkbelgium.be 

    Même s’ils sont en situation illégale et qu’ils travaillent au noir, ces personnes ont des droits: un salaire minimum (difficile à déterminer, mais très certainement   120 € pour 8 heures), pas de licenciement sans motifs graves et inscrits sur papier, indemnisation en cas d’accident de travail, même si c’est un travail au noir, indemnisation après faillite par le Fond de fermeture des entreprises, le respect des heures de travail et congés payés sont très rarement accordés, alors qu’il y ont droit exactement comme un autre travailleur, c’est la loi.

    Les abus les plus fréquents: pas de salaire minimum ou irrégulier, incomplet ou impayé, licenciement sans respect des règles, non-respect de la durée légale du travail, pas d’assurance pour les accidents du travail et surtout si le travailleur ose se plaindre, menaces de le dénoncer à la police et donc d’expulsion!

    Que faire?

    Il doit s’adresser à l'inspection du travail et non à la police pour déposer une plainte contre son employeur, mais le mieux évidemment, c’est d’être accompagné. Les inspecteurs du travail connaissent les lois relatives au travail. De plus, ils l’aideront sans transmettre son nom au département de l'immigration. La police n'est pas spécialisée dans le droit du travail et ne pourra donc pas l’aider davantage. De plus, la police est plus susceptible de contacter le service de l'immigration et il risque l’expulsion.

    S’il la dépose à l’inspection du travail, la plainte doit être suffisamment sérieuse et fournir les preuves nécessaires, papiers, photos vidéos… L'inspection enquêtera sur la question. La plainte est toujours confidentielle, et le nom ne sera transmis à personne, sauf s’il autorise sa divulgation. Toutefois, s’il souhaite réparation et obtenir son salaire, il faut communiquer le nom. Après l'enquête, si l'inspection décide que l'employeur a enfreint la loi, plusieurs options: proposer à l'employeur de « rectifier » une infraction et demander le paiement des salaires impayés ou transmettre l'affaire au tribunal et si ce dernier décide de ne pas engager de poursuites, l'inspection peut imposer une amende administrative.

    Accident de travail

    Même si c’est un travailleur sans papier qui travaille au noir, et même si l’employeur (sur le marché, baby sitter, repassage…) n’est pas assuré, c’est le F.A.T. (Fonds Accidents Travail) qui paie ses soins et ensuite se retourne contre son employeur. Exactement comme si une voiture non assurée fait un accident contre une autre. FEDRIS: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. – 02/272.22.40: si l’employeur n’a pas d’assurance travail. Cette assurance paie tous les frais de l’accidenté qui travaille au noir sans papier, puis elle se retourne pour se faire rembourser par l’employeur qui n’avait pas d’assurance travail.  §


    Comprendere Haïti et la crise actuelle

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    Jean PeetersBy Jan Hanssens, cicm
    Missionnaire en Haïti

      

    Le 7 février de chaque année est devenu une date symbolique dans le pays : le 7 février 1986 a marqué le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986, et depuis la Constitution de 1987, la date est devenue la date d'installation des nouveaux présidents. Mais cette année, 2024, aucun nouveau président n’a été installé. Au contraire, la grande majorité de la population réclame la démission du Premier ministre en place, qui a pris tout le pouvoir entre ses mains après l'assassinat du dernier président en exercice, Jovenel Moïse, il y a près de deux ans.

    Depuis l'assassinat, les choses sont allées de mal en pis à un rythme accéléré. Les luttes de pouvoir sont devenues quotidiennes. Les gangs armés et la violence ont augmenté de façon spectaculaire, tout comme la répression policière des manifestations populaires. La peur et l'indifférence règnent. Tout le monde semble attendre « son tour » pour être victime des bandits. Les groupes armés sont aux commandes. Ces gangs sont des jeunes au service de puissants groupes politiques et économiques qui se cachent. On les appelle les « gangs aux cols blancs ».

    Ceci est le résultat de deux années d'activité des gangs et d'une attitude de laisser-aller de la part du gouvernement : des quartiers populaires entiers sont devenus comme inexistants ; ils sont devenus des lieux voués aux gangs et à la violence ; près de 200 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays ; plus de 100 000 personnes, pour la plupart des professionnels, ont quitté le pays 1. 5 000 meurtres à travers le pays, selon les chiffres de l'ONU pour la seule année 2023. L'inflation est de 40 %. Les groupes armés remplacent l'État : ils installent les chefs de quartier et les leaders communautaires. Ils s’assurent le soutien populaire avec de l'argent parce que l'État ne fournit pas de services publics. Dans ces conditions, si la population perd sa vigilance, les prochaines élections annoncées par les autorités et organisées avec le soutien de la communauté internationale pourraient bien porter un chef de gang à la tête du pays.

    Comment en sommes-nous arrivés là ?

    Le départ de Duvalier n'a en aucun cas marqué la fin de la mentalité de type autoritaire de Duvalier et de la soif insatiable de pouvoir. Les nouvelles autorités, même celles qui ont été démocratiquement élues, n'ont pas réussi ou ont refusé de mettre en place des institutions qui défendent l'État de droit.

    Haïti a un problème de longue date avec les gangs qui ont leurs origines dans divers groupes tels que le « macoutisme » ou les milices de Duvalier, les paramilitaires lors du coup d'État de 1990-1993, les « chimères » employées par le président Aristide à une époque où le pays n'avait pas d'armée, ils ont pris davantage d’extension sous la présidence de Martelly.

    Intéressons-nous aux causes plus profondes

    La crise actuelle s’enracine dans les structures sous-jacentes du pays, héritées de l'époque coloniale et soigneusement entretenues par ceux qui sont au pouvoir. La richesse du pays est inégalement répartie, avec des personnes extrêmement pauvres vivant à côté de personnes extrêmement riches. La bourgeoisie commerciale et économique, souvent étrangère au pays, considère le pays comme une source facile pour s'enrichir.

    Souvent, les analyses ne tiennent pas compte des mentalités profondément enracinées dans une histoire douloureuse d'esclavage et d'oppression. Certes, le peuple haïtien a d'énormes qualités d'amitié, d'hospitalité, d'endurance, de courage, de générosité et de résilience (ce qui n'est en aucun cas une résignation). Ils sont profondément religieux et même syncrétistes. Mais il y a ceux qui cèdent facilement à l'abus de pouvoir (les choses qu'ils ont subies de la part de leurs maîtres et dont ils ont été victimes, sont inconsciemment transmises), au mensonge, au « marronnage » et à la tromperie (où l'on cache ses intentions comme le faisaient ses ancêtres envers les colons et où l'on apprend à ses enfants à cacher qui l’on est) ; un manque de confiance en soi et d'estime de soi qui peut devenir une source d'hypocrisie. Le favoritisme et la politique des relations, au lieu des compétences, entrent également en jeu. Le Dr Bijoux, psychiatre, parle aussi d'un complexe d'indépendance ou du « chacun pour soi », ce qui explique la difficulté du dialogue et d’une vraie solidarité avec les autres .2

    Dans un passé récent, le travail des Eglises a fortement insisté sur l’évangélisation comme motivation pour le développement et sur l'Évangile comme source de libération. Les mentalités profondes ont été négligées. Nous devons nous rappeler que l'égoïsme, le désir de pouvoir et la poursuite de l'intérêt personnel habitent le cœur de chaque personne, quelle que soit sa culture. Par conséquent, les systèmes de contrôle et de supervision sont essentiels à l'organisation de toute société politique et de l'économie.

    Il est également nécessaire de considérer la riche histoire du peuple haïtien, qui a porté dans la souffrance et dans le combat, le flambeau de la liberté et de l'indépendance en Amérique latine et dans le monde. La créativité artistique de ses artisans est légendaire.

    N'oublions pas non plus le rôle néfaste joué par les puissances étrangères dans l'histoire du pays. L'indépendance de « nègres » (1804) a été mal digérée par les puissances coloniales. À cette époque, la division de l'Afrique (la Conférence de Berlin, 1864) n'avait pas encore eu lieu. Ainsi, Haïti a été traité comme un mauvais élève, ne suivant pas les règles de « l'ordre » international. Aujourd'hui, Haïti est un petit pays sous surveillance au cœur des Caraïbes : pour le Etats Unis, un passage maritime vital entre la Floride et le canal de Panama - voisin d’une Cuba rebelle - mais pour la France aussi la gardienne de la francophonie dans la région. Les interventions de ces « amis d’Haïti » (Etats Unis, France, Canada, Union européenne) est plutôt catastrophique pour le pays.

    L'Église, les pasteurs et les missionnaires doivent aider ce peuple martyrisé, mais généreux et courageux, à mieux se connaitre lui-même. La formation doit certainement se poursuivre, avec plus de conviction et de nouveaux accents.

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     (Adaptée)

    Comment sortir du marasme ?

    Oui, le pays doit sortir de la situation actuelle. Il faut agir à court terme, sachant que les vraies solutions prendront du temps. C'est pourquoi l’Eglise doit encourager les citoyens de la base à se rencontrer (pas seulement en Eglise !!) pour continuer à nourrir l'espérance et la confiance comme antidote à la méfiance et à la peur qui habitent les cœurs. Nous devons nous appuyer sur les jeunes et travailler à les éveiller. Le pays de demain doit d'abord les intéresser. Il est urgent d'unir nos forces à celles d'autres organisations pour mettre en place une éducation civique massive, critique et réelle, qui aide les citoyens à renforcer leur fierté et à prendre leur destin en main. Pourquoi l'éducation civique (même l'éducation civique traditionnelle) a-t-elle été bannie des écoles ?

    Dans un laps de temps relativement court, la question du leadership accepté doit être régularisée. Des élections seront bientôt nécessaires dans le pays parce qu’il ne peut pas rester là où il est. Pourtant, les élections ne peuvent pas se tenir dans n'importe quelles conditions. Les conditions nécessaires doivent être réunies, comme la sécurité et l’arrêt de la violence. L'un des défis consiste à amender la Constitution de 1987 tout en conservant son esprit et ses acquis: le respect des droits humains, la décentralisation, la participation, le partage du pouvoir, la séparation et l’indépendance des pouvoirs de l'État.

    L'apport de l'Église

    Beaucoup de gens en Haïti considèrent l'Église comme représentée par la Conférence épiscopale d'Haïti (CEH), et attendent d'elle des paroles de réconfort. Actuellement, l'Église semble réticente à prendre position  et ne s'exprime pas suffisamment. La Conférence Haïtienne des Religieux/ses (CHR) n'a pas encore exprimé sa position. Plus de la moitié des religieux et des religieuses sont engagés dans l'éducation, perçue comme élitiste et inaccessible à tous. L'Église subit les conséquences de cette situation de violence et une dizaine de paroisses de l'archidiocèse de Port-au-Prince ne fonctionnent pas ou fonctionnent avec des difficultés extrêmes. Il y a eu des cas où certaines congrégations ont dû abandonner leur maison ou leur lieu de travail à cause des bandes armées.

    D'autre part, quelques communautés religieuses avec une forte présence dans les quartiers populaires continuent leur présence. Plusieurs paroisses assurent une présence dans le bas de la ville. Ce sont des exemples courageux et réels.

    Dans le climat actuel, les forces morales dans le pays devraient s’exprimer plus fortement, peut-être moins par des déclarations que par des actions concrètes. Les Églises, les communautés religieuses et les organisations de différentes confessions et traditions, les mouvements sociaux devraient s’unir et se mettre en réseau. Le pays ne peut plus compter sur certains politiciens qui se livrent à la démagogie pour s'assurer le pouvoir. C'est aux forces morales de se faire entendre et de faire sentir leur présence. Mais, regardons les choses en face: les gens qui représentent ces forces sont elles aussi des fils et des filles de cette société en crise.

    CICM dans ce contexte

    CICM est prudent et présent dans quatre paroisses du nord-est du pays et deux paroisses de la périphérie de la capitale qui ne sont pas (encore) occupées par les gangs. Les confrères partagent les préoccupations des gens. Par le passé, CICM s'est fait connaître par son engagement en faveur de la culture et de la langue populaires, comme en témoigne le journal « Bon Nouvèl », son engagement auprès des jeunes à travers le mouvement « Kiwo-Ayiti », et son action pour la justice à travers sa collaboration avec Justice et Paix e.a. Aujourd'hui, la tentation est grande de se replier sur le liturgique et le sacramentel. La défense des droits de l'homme devient presque synonyme d'aide à la satisfaction des besoins primaires « par charité ».

    Le missionnaire étranger doit se poser des questions. Être missionnaire, c'est être prophétique et, parce qu'il est étranger, le missionnaire étranger a sa propre façon (culturelle) de voir ; il peut questionner et accompagner avec respect et sans s’imposer. Cela nécessite d'aller au-delà de ses origines, mais il restera toujours un étranger. La tentation existe de faire des comparaisons: « chez nous, les choses ne sont pas comme ça, et nous n'avons pas tous ces problèmes ». C'est vrai, mais nous ne sommes plus chez nous, et chez nous aussi, il y a des difficultés. Certaines de nos certitudes doivent disparaître.

    L'intégration des nouveaux missionnaires est très délicate. Je parle du stage pour nos étudiants, qui nécessite un programme adapté aux exigences de l'époque. Il ne s'agit pas du programme général mais de son application concrète, de son insertion réelle dans la culture haïtienne et de sa mentalité, qui sont complexes et exigeantes. Vivre dans une communauté multiculturelle ne facilite pas les choses, car parfois, la communauté elle-même conduit à un repli sur soi en raison des exigences du multiculturalisme. La référence au peuple alors se perd.3  Les jeunes candidats missionnaires que nous préparons à vivre l’ad extra sont des fils de ce même contexte. Le discernement et la motivation sont essentiels.

    Au sein de la Province CICM de LAC, cinq pays ont des problématiques différentes, et le Conseil Provincial doit démontrer sa capacité à identifier les particularités de la situation haïtienne. Je demande qu'une priorité spécifique soit donnée à Haïti au nom de l'option pour les pauvres, qui doit prendre la forme d'un investissement de personnel et de ressources dans des projets et des activités adaptés à une situation particulière.

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    (Une peinture de la Casa Generalizia CICM)

    Les priorités de la province sont certainement pertinentes en ce moment :

    1. Les migrants et déplacés internes et les migrations massives sortantes. Les relations haïtien-dominicaines nécessiteraient une attention nouvelle et meilleure, parce que nous sommes une seule Province CICM.

    2. L'engagement en faveur des jeunes : plus de 50 % de la population sont des jeunes, objets d'instrumentalisation par les forces politiques et économiques.

    3. La formation des laïcs, qui n'est plus une priorité en dehors du strict contexte ecclésial.

    4. Engagement en faveur de la justice, du changement social et de l'écologie intégrale. En tant que congrégation internationale, peut-être dans le cadre de la coopération régionale (si elle veut avoir du sens), le plaidoyer en faveur des pays qui sont poussés à la marge et livrés au pouvoir de l'économie consumériste et le commerce des armes pour les bandes, pourrait avoir du sens.

    Dans la province, Haïti est parfois perçu comme le partenaire plus faible qui a toujours besoin de l'aide. Dans une province unifiée et diverse, CICM, comme congrégation missionnaire, doit se montrer capable d'une solidarité internationale réelle et active entre des entités égales en droits et en dignité, malgré des inégalités dans leur histoire, leurs traditions, leurs cultures et leurs possibilités d'action.  §

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    1 Plus de 100 000 citoyens, pour la plupart des professionnels et de nombreux policiers, sont partis dans le cadre du plan du président américain Joe Biden, qui a facilité la migration pour une durée limitée des ressortissants de quatre pays, dont Haïti. Est-ce parce que le pays n'avait plus besoin de ces jeunes professionnels que les autorités les ont laissés partir si facilement ?

    2 Cette mentalité est décrite par Legrand BIJOUX, Etudes de Psychologie Haïtienne. Le complexe d'indépendance, septembre 2010, qui fait suite à : Des mœurs qui blessent un pays : Haïti.

    3 Voir Constitutions de CICM, art. 13 et Directoire.