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    Ceux qui nous ont quittés

    Lonkesa: maintenir vivante la flamme de la Mission

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    Germain Nsasi Yengo

    P. Germain Nsasi Yengo, cicm
    Missionnaire en Belgique

     

    On m'a demandé d'écrire au sujet de la mission de Lonkesa et du contexte de sa refondation. Cet article partage mon expérience missionnaire et est le résultat d’un processus d'observation approfondi.

    L’analyse détaillée de la mission de Lonkesa peut être vue comme une critique de l'objectif missionnaire. Certains confrères expriment des préoccupations au sujet de notre présence. Que se passe-t-il à Lonkesa ? Que faites-vous là-bas ? La nouvelle paroisse est-elle en construction ? L’explication de la Mission qui suit, répondra à ces interrogations, en commençant par notre arrivée à Lonkesa.

    Nous sommes partis de Kinshasa le vendredi 26 mars 2021. À bord du véhicule, nous étions : le Père Constantin Sakamba, le Diacre Boniface Mwawatadi, le Père Bernard Kambala, moi-même Germain Nsasi Yengo et le chauffeur, M. Servais Phuati (Papa Mapéché). Le samedi dans la soirée, nous atteignions enfin Isaka Beach. Une pirogue motorisée nous conduisit d’abord à Nioki, avec nos bagages missionnaires.

    Après une bonne nuit chez les Sœurs diocésaines d’Inongo, nous avons participé, dans l’anonymat, à la messe dominicale à Saint Michel de Nioki. C’était déjà le dimanche des Rameaux. L’après-midi, nous reprenions notre canoë rapide pour longer la rivière Mfimi avant d’atteindre le début du terrifiant Lac Maï-Ndombe. Le vent et la pluie n’ont pas manqué sur le trajet. À 16h, nous sommes arrivés à Lonkesa, et nos bagages arrivèrent en pirogue motorisée tard dans la nuit.

    Accueil, visite et prise de contact

    La nouvelle de la présence de nouveaux prêtres à Lonkesa s'est rapidement répandue au cours de la Semaine Sainte. Après nous être installés, nous nous sommes présentés aux autorités locales ; la suggestion venant de notre confrère p. Sylvain Lesauye. Apparemment, toutes les personnes que nous avons rencontrées semblaient heureuses. Le Jeudi-Saint, nous avons été accueillis dans la communauté paroissiale Marie-Reine-de-la-Paix, où chacun nous a promis son soutien et sa collaboration.

     


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    P. Germain Nsasi Yengo, P. Constantin Sakamba et leurs compagnons bravant le fleuve Congo.

     

    Le Chef de la Cité de Kutu, dans son bureau, nous a dit, devant tous ses collaborateurs : "Nous sommes très heureux de vous accueillir à Kutu. Sentez-vous chez vous. Nous espérons que vous êtes venus pour faire quelque chose, car trois personnes ne peuvent pas rester sans rien faire. Le territoire de Kutu compte sur vous pour redonner vie à la Procure de Lonkesa qui le mérite."

    La communauté de Lonkesa

    Notre objectif est de restaurer Lonkesa, car notre rôle de missionnaires et de prophètes est de donner la priorité au bien-être de la communauté : c’est notre première mission. Et nous y avons cru. Ainsi, nous avons cherché à nous couler dans le rythme de la Communauté dont il fallait changer le visage et lui permettre de s’épanouir.

    Au début, nous avions l'impression de vivre dans une concession largement abandonnée. La ruine était visible et palpable. Aussi la peur des serpents à la morsure fatale. Nous avons constaté avec regret que la communauté de Lonkesa n'avait pas été entretenue depuis de nombreuses années.

     
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    Boniface Mwawatadi, Constantin Sakamba et leurs compagnons se rendant au lac Mai-Ndombe.

     

    Après avoir constaté le délabrement et l'effondrement, nous avons choisi d'observer avant de parler ou d'agir. Nous avons écouté des témoins crédibles et nous nous sommes efforcés de laisser l'Esprit nous guider dans la reconstruction de Lonkesa où plus rien ne fonctionnait, sauf les arbres fruitiers et les vaches, mais qui avaient considérablement diminué. Même la motopompe n’eut pas pitié de nous : sa tuyauterie de plus de 500 mètres avait disparu… peut-être avalée par les serpents ? De beaux bâtiments inoccupés restés vides ; certains sans toiture. Toute la nuit, les écureuils qui ont élu domicile dans les plafond snous faisaient des scènes de danse et perturbaient le sommeil des Missionnaires. Le père Constantin a essayé de les chasser en frappant le plafond avec sa raclette, mais il a fini par voir le plafond tomber sur sa tête. Moi je riais et me moquais de lui, tout en regrettant la situation.

    Nos moyens de déplacement était conditionnés par la location des motos. On ne pouvait quand même pas monter des bœufs.

    Pour rendre Lonkesa de nouveau visible et accueillante, nous avons débarrassé le terrain des herbes et des branches envahissantes et rouvert la route principale. Nous avons également acheté diverses fournitures, telles que des chaises en plastique, de la vaisselle, de la literie et le nécessaire pour le nettoyage.

    Il faut faire quelque chose… mais comment ?

    Après de nombreuses réunions, questions, études et réflexions, nous nous sommes mis d'accord sur ce que nous proposions au Gouvernement provincial qui nous faisait confiance. Faut-il relancer Lonkesa comme elle l’était il y a quelques années ? Qu'avons-nous le droit de faire à Lonkesa ? Que pouvons-nous rapporter au GP ? Devons-nous rester les spectateurs des ruines de Lonkesa ? Par où commencer ? Comment restaurer la capacité d'autofinancement de Lonkesa ? Nos réunions ont apporté plus de questions que de réponses. Après un inventaire détaillé, nos observations ont été rapportées au Gouvernement provincial avec des propositions concrètes pour un nouveau départ.

     

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    P. Constantin Sakamba et des collaborateurs laïcs priant pour la bénédiction du site de construction de l'église.

     

    Lonkesa : jardins et champs producteurs

    Chaque matin, les canards, les coqs et poules, les pigeons et les chèvres se rassemblent autour du père Constantin, attendant leur ration de maïs. Sinon, ils se mettent en grève et le poursuivent partout. Il est devenu le Noé de ces animaux et pourra bientôt aussi avoir un aquarium et une tanière de serpents. C’est un investissement conséquent, fait avec beaucoup d’amour.

    Un chantier et un lieu de progrès

     

    Depuis notre arrivée à Lonkesa, nous avons apporté des améliorations significatives qui correspondent aux idéaux de Rerum Novarum. Nous avons notamment acquis un nouveau moteur diesel pour la communauté, remplacé les panneaux solaires et les batteries qui fonctionnaient mal ; trois motos pour le transport ; une nouvelle toiture sur le bâtiment II. Nous avons également investi dans la rénovation et l'entretien.

    Questions publiques… plaintes ou encouragements ?

    En voyant le délabrement et les ruines de Lonkesa, et entendant les moqueries provocantes des pêcheurs le long du lac Mai-Ndombe, et leur demande publique d'explication, nous avons pris conscience de la valeur fragile de notre consécration religieuse dans la parabole de l'intendant malhonnête : nani abomi Lonkesa eeeeh ? (Qui a détruit Lonkesa ?). Bozali kozila nini mpo ya koteka Lonkesa ? (Qu'attendez-vous pour vendre Lonkesa ?) Bozongisela biso machine ya fufu eeeh. Sango Jaak Bos, yaka kotala ndenge bakomisi Lonkesa eeeh. Bozali wapi eeeh ? (Rendez-nous notre moulin de manioc. Père Jaak Bos, viens voir comment on a détruit Lonkesa. Où êtes-vous ?).

    Lorsque les personnes vous font part de leurs préoccupations, les écouter avec sollicitude est une bonne attitude pour créer une communion de pensées et d'idées. C'est une excellente attitude pour se comprendre. Les habitants de Kutu et des environs attendent avec impatience la réhabilitation de leur Lonkesa. Ils aiment répéter "Lonkesa na biso" (notre Lonkesa). Ceci revient tout simplement à dire que, pour nous, Lonkesa est une communauté ; mais pour le grand territoire de Kutu et la Province du Maï-Ndombe, c’est un patrimoine universel, commun.

    Nous sommes convaincus que Lonkesa a été une grande structure au service de la population et de la Mission du Maï-Ndombe. L'histoire nous apprend qu'en plus d'être un centre important d'activités diverses, l'ancienne Procure de Lonkesa avait donné à la population un goût de vivre à Kutu. L'arrêt des activités de cette structure a entraîné un exode et une pénurie de beaucoup de choses qui étaient facilitées par le service de CICM Lonkesa.

    A l'heure où tout le monde pense au bon vieux temps et se dit désespéré parce que tout s'est arrêté, l'arrivée de trois jeunes Missionnaires vient redonner l'espoir de pouvoir un jour retrouver le sourire, ne serait-ce qu'en relançant une ou plusieurs des quelques activités chères aux habitants de Kutu et des environs. Oui, l'inquiétude est légitime. Un éminent dirigeant politique nous a publiquement révélé que « Kutu était la capitale du territoire. Sa fierté est venue de la renommée de Lonkesa, et aujourd'hui, que nous reste-t-il ? ».

    La mission de Lonkesa, en tant que communauté au service du peuple de Dieu, est une urgence dont le sens se trouve dans les attentes de la population qui, sans cesse, lance un cri d’alarme : « bobongisela biso Lonkesa mpo 'te Kutu ebonga lisusu. » (Arrangez Lonkesa afin que Kutu retrouve son visage). Ceci sonne comme un impératif catégorique, une grande préoccupation empreinte, à la fois d’inquiétudes et d’attentes. C'est un cri d'alarme qui doit interpeller notre conscience de gestionnaires et réveiller le fait que nous avons été"envoyés aux nations", selon nos Constitutions : « Nous aimons et respectons sincèrement ceux vers qui nous sommes envoyés. Dans une attitude d'écoute, nous nous efforçons de connaître et de comprendre les réalités socio-économiques, culturelles et religieuses » (Const. Art. 4).

    Kutu est en détresse et demande l’urgente sollicitude de CICM via les quelques activités rénovatrices de Lonkesa. Je me fais porte-parole de cette urgence, et Dieu voit que mon témoignage est vrai, je ne mens pas.

    En vivant à Kutu, j’ai compris ceci : nous devons nous rappeler que nous ne sommes pas missionnaires pour nous-mêmes. Notre présence en tant que missionnaires est une expérience à la fois noble et délicate, démontrant, qu’on le veuille ou non, notre option préférentielle pour les pauvres. Nous suivons l'exemple du Christ en accueillant les pauvres, en les écoutant et en les soutenant de toutes les manières dont nous sommes capables. La pauvreté est omniprésente, et même si nous ne pouvons pas répondre à tous les besoins de notre communauté environnante, surtout pas comme des donateurs attitrés, mais apporter notre soutien ne serait-ce qu’à une seule personne est une expression significative de notre humanité, qui transcende les mots et les écrits, les sentiments et la passion.

     

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    Germain Nsasi Yengo, Abbé Félicien et les Femmes Consacrées du Diocèse d'Inongo

     

    La nouvelle insertion pastorale

    La création et l'érection de la nouvelle paroisse sur le site Lumumba à Kutu est un don de Dieu qui est passé par la bienveillance du Gouvernement provincial. La paroisse est dédiée à Saint Jean-Paul II : un contemporain qui a beaucoup aimé CICM. Dans une correspondance datée du 27 septembre 2021, adressée au Père Constantin Sakamba, administrateur de la paroisse, l'évêque d'Inongo, Mgr Donatien Bafuidinsoni, SJ, s'exclama : "C'est une grande joie pour nous de voir la reprise de l'œuvre missionnaire dans le diocèse d'Inongo, avec les CICM. ... Je vous souhaite, ainsi qu'à votre vicaire et au stagiaire, un ministère fructueux dans le diocèse d'Inongo, avec l'assurance de ma sollicitude pastorale et de ma prière pour votre Mission’’.

    Les généreux chrétiens de la paroisse Notre-Dame de Fatima de Kinshasa ont fait don de divers objets grâce au Mission Appeal auquel Père Michel Ekonzo a répondu. C’est une grande joie et nous rendons grâce d’avoir bénéficié de la présence généreuse du Père Michel Ekonzo qui s’est vraiment impliqué afin que nous ayons un minimum pour commencer. Il a pu animer et mobiliser les gens sans peine.

    La pastorale à Saint Jean Paul II

    C’est une mission et une pastorale de la base. Parce que la pastorale à saint Jean-Paul II est exigeante, notre engagement comme équipe pastorale est intense. Nous ne sommes plus à l'époque de la pastorale du maître qui commande à des brebis dociles. Le principe de synodalité nous oblige à collaborer sur tous les plans pour élaborer les orientations pastorales.

    Les MAC , Mouvements d’Action Catholique, fonctionnent déjà. Ainsi, il faut devenir comme une cloche ambulante pour réveiller l’engagement et la foi des fidèles et allumer en eux une nouvelle espérance et une charité inventive. Plusieurs chrétiens ne fréquentaient plus l’église à cause de l’éloignement de la paroisse, étant donné que la démographie de la cité de Kutu s’est considérablement agrandie. L'enthousiasme et l'amour pour la Maison du Seigneur témoignent de la présence de Dieu qui est à l'œuvre.

    Chaque matin, du lundi au samedi, un prêtre préside la célébration Eucharistique ou l'assistant pastoral une célébration de la Parole. La célébration eucharistique a principalement lieu tous les dimanches à 8h30 sous une tente qui peut accueillir plus de 900 personnes. Malheureusement, la pluie nous oblige parfois à nous disperser. Plusieurs fois cela nous est arrivé à notre grand regret.

    Réfléchir dans le secret et faire silence

     

    Notre engagement missionnaire et notre responsabilité religieuse nous obligent à travailler à l'œuvre de Dieu et à collaborer avec sollicitude. Nous devons perpétuer ce qu'Il a confié à CICM et maintenir vivante la flamme de la Mission.    §

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    Germain Nsasi Yengo, cicm, est actuellement missionnaire en Belgique. Au moment de la rédaction de cet article, il était stagiaire à Lonkesa. Cet article a été publié pour la première fois dans les ECHOS 179 en 2022, CICM-KINSHASA.