par Jean-Gracia Etienne, cicm
Conseiller général
« Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ (1 Th 5, 23) ».
Un ardent appel au début du 15e Chapitre général de 2017 de la CICM
Lors de l’ouverture du 15e Chapitre général CICM, le Père Javier Alvarez-Ossorio, SSCC, était invité à animer la récollection qui marquait le début des travaux. Il avait centré ses méditations et exhortations sur le texte biblique cité plus haut. Dans une approche exégétique, le Père Javier avait mis un accent particulier sur la distinction et la fonction de chaque élément de la trilogie esprit-âme-corps. Ensuite, il avait essayé d’appliquer les résultats de cette analyse exégétique sur CICM.
Il avait suggéré que l’esprit est le charisme de fondation, la formulation des idéaux de la mission, la promulgation des Constitutions et des Statuts de notre Congrégation. L’âme est le cœur de la Congrégation. C’est la capacité à exprimer Dieu, à inspirer et animer les gens, et à transformer les communautés en disciples de foi, d’espérance et de charité. Le corps est l’ensemble des membres de la Congrégation, ainsi que ses différentes œuvres.
En se basant sur ces considérations, le Père Javier avait invité les participants au 15e Chapitre général et tous les membres de la Congrégation à se pencher, d’une manière particulière, sur l’âme (le cœur) de la Congrégation. Car, selon lui, il ne suffit pas que le corps soit sain et que l’esprit soit vivant. Il est important que les membres de la Congrégation prennent soin de l’âme de cette dernière.1 L’exhortation du Père Javier avait exercé une influence positive sur les capitulaires, sur le déroulement du Chapitre et sur l’ensemble des membres de la Congrégation à travers la publication des Actes du Chapitre. Ces Actes contenaient en effet un résumé du message du Père Javier. Qu’en est-il de ce message environ cinq années après le 15e Chapitre ?
De la marche de la Congrégation après le 15e Chapitre général
Durant les cinq années écoulées, sous la mouvance de l’Esprit Saint, nous avons essayé de maintenir et d’entretenir l’esprit, l’âme et le corps de notre Congrégation. Ce qui explique la continuation de sa participation active dans la mission du Christ confiée à l’Église. En effet, les rapports des réunions et des Assemblées des huit Provinces CICM et ceux des visites canoniques aux confrères sur terrain et dans des Maisons de Formation initiale par les membres du Gouvernement général (GG) ainsi que les échos positifs reçus des fidèles du Christ et des évêques là où les membres de la Congrégation sont engagés, témoignent de la vivacité de la Congrégation. Le témoignage des confrères reste toujours à améliorer. Les travaux de la Conférence générale CICM de 2019 nous donnent un aperçu plus général de la situation actuelle de notre Congrégation.
La Conférence générale CICM : période d’évaluation des orientations du 15e Chapitre général
Deux années après la célébration du 15e Chapitre général, le GG, selon le vœu de nos Constitutions (art.105,) a organisé une Conférence générale à Santo-Domingo, République dominicaine, du 14 au 28 octobre 2019. Les Supérieurs et les Vice-Supérieurs provinciaux ainsi que les membres du GG de notre Congrégation ont pris part à ces assises. Les travaux de cette Conférence étaient portés sur le suivi du 15e Chapitre. De plus, les participants à cette Conférence avaient réfléchi sur la mission de la Congrégation, sur la Formation initiale, le célibat consacré, etc. Un temps a été aussi consacré à l’évaluation du fonctionnement de certaines structures internes de notre Congrégation.
Il a été observé que les confrères ont pris au sérieux les recommandations du 15e Chapitre général dans les rapports de toutes les Provinces CICM. Ces rapports étaient honnêtes et sincères et ils reflétaient ce qui a été accompli, ce qui n’a pas été accompli ainsi que les divers obstacles et suggestions. En outre, ces rapports mettaient en exergue le leadership participatif au sein de notre Congrégation. Un bon processus de discernement a eu lieu dans certaines Provinces et dans le GG pour relever de nouveaux défis dans des situations frontières. C’est donc ce processus de réflexion qui a conduit au choix du Malawi comme nouvelle insertion missionnaire. Il a également été observé une prise de conscience accrue de la part des confrères d’être de bons intendants des biens matériels et des finances de l’Institut. Les audits internes et externes effectués dans toutes les Provinces ont favorisé cette prise de conscience.
De plus, la taxe carbone est devenue une pratique courante partout dans nos Provinces, comme l’a recommandé le 15e Chapitre général. La multiculturalité était également ressentie comme un fait et une réussite dans le leadership à tous les niveaux de l’Institut et dans nos communautés de Formation initiale. Le charisme de l’Institut est pareillement visible dans notre option préférentielle pour les pauvres. Celle-ci est reflétée par l’implication des confrères dans les différents ministères, c’est le cas des ministères auprès des enfants abandonnés, des orphelins, des migrants, des personnes âgées, des toxicomanes, etc.
Au demeurant, de nouvelles insertions dans la plupart de nos Provinces témoignent l’esprit pionnier de notre charisme devenu partie intégrante de notre vie missionnaire. Somme toute, les participants à la Conférence générale avaient renouvelé leur sentiment d’espoir pour l’avenir. Cet espoir est basé sur les rapports positifs et les projets missionnaires des différentes Provinces. Grâce aux partages durant cette Conférence générale, les participants avaient vu un regain d’espoir pour l’avenir.2
Les participants à la Conférence générale avaient aussi identifié certaines choses qui sont moins positives et qui demandent une attention particulière. Il est décourageant, par exemple, de constater que certains confrères ne veulent pas changer d’apostolat. Ils préfèrent continuer à vivre dans leur zone de confort et ils ne sont pas disposés à servir la Congrégation lorsque l’on fait appel à eux. La crainte des Supérieurs provinciaux de prendre des décisions difficiles est également troublante, par exemple, la crainte des Supérieurs provinciaux d’appliquer le décret sur le traitement des cas graves de fraude et de mauvaise gestion financière. De plus, il est décevant de voir des confrères en voie de quitter la Congrégation ou ceux qui sont problématiques être envoyés pour faire des études spécialisées. Il est en outre surprenant de voir un nombre limité de confrères actifs sur le terrain malgré une grande présence des jeunes.
Par ailleurs, les rapports de nos Provinces avaient fait voir aux participants qu’il y a encore du travail à faire en matière d’honnêteté et de vérité et d’engagement comme missionnaires et religieux. Nous devons d’abord prendre conscience des abus sexuels et autres abus ainsi que de leur prévention. Ensuite, il est important de soutenir les projets écologiques et d’animer les confrères à être conscients de la déclaration sur l’environnement. Enfin, nous devons mettre l’accent sur la formation des associés laïcs et animer les confrères à travers des projets missionnaires stratégiques corporatifs et leur rappeler les recommandations, les déclarations et les décrets du 15e Chapitre général.3
La mission durant la pandémie de COVID-19
La crise sanitaire provoquée par la COVID-19 a eu un grand impact sur la vie des gens partout dans le monde. Face à cette situation, les membres de notre Institut sont appelés à être des témoins de l’amour de Dieu au milieu de la souffrance et de la mort. Le GG, par le biais de la Commission générale pour la Mission, avait mené une enquête dans nos huit Provinces CICM. Le GG voulait ainsi demander de partager des réflexions concernant l’impact de la pandémie sur les confrères et sur la vie des personnes qui les entourent. L’objectif de cette enquête était de recueillir des propositions sur ce qui pourrait être encore fait au niveau de nos Provinces et au niveau de toute la Congrégation, en tant qu’effort collectif, à long terme.
De la compilation des réponses reçues, nous avons retenu quelques éléments qui découlent des initiatives des CICM pour mieux faire face à cette réalité. Tout d’abord, nos Provinces CICM avaient mis en place des mesures pour assurer la sécurité et la santé des confrères et des proches collaborateurs. Les confrères ont fait de leur mieux pour suivre strictement les directives et les protocoles sanitaires émis par les gouvernements et les autorités sanitaires de leurs lieux respectifs pour assurer la sécurité de chacun. Dans le souci de participer à l’allègement des souffrances des personnes vulnérables, des confrères ont collaboré avec des organisations religieuses et des Organisations non gouvernementales pour fournir de la nourriture et des fournitures sanitaires. Des mesures ont été également prises afin que les ouvriers et les employés reçoivent la totalité ou la moitié de leur salaire pendant le confinement.
Les efforts ont été fournis dans les écoles et les paroisses où les confrères travaillent afin de mieux étendre les efforts de secours aux communautés les plus touchées. Les jeunes confrères dans nos Maisons de formation, de leur côté, ont trouvé des moyens d’être créatifs et utiles durant cette pandémie. Dans le souci de continuer à fournir un service liturgique aux fidèles, pendant la période de confinement, des confrères, plus particulièrement ceux qui sont engagés dans la pastorale paroissiale, ont célébré des messes en ligne. Des professionnels des universités et de nos écoles ont été encouragés et soutenus afin qu’ils puissent prodiguer des conseils et un accompagnement psychologique aux personnes souffrant de traumatismes et de stress. Dans certaines de nos Provinces CICM, des confrères ont offert leurs installations comme abri temporaire pour les travailleurs de première ligne comme les médecins, les infirmières, etc. Des confrères individuels et les communautés ont affirmé qu’ils ont vécu d’intenses moments de prière et se sont réalisés davantage de la valeur de la vie communautaire. Enfin, des réunions et autres rassemblements ont été réalisés en utilisant les plateformes telles que Zoom, Skype, Google Meet, etc.
La pandémie continue sans relâche à affecter des vies humaines. Ainsi, quelques propositions ont été émises afin d’arriver à établir des stratégies à long terme pour faire face à cette crise. Par conséquent, il a été proposé de créer un fonds « COVID-19 » et d’impartir un budget substantiel pour les secours d’urgence, si possible, pour les paroisses et autres entités CICM. Ce qui permettra de continuer à aider les personnes vulnérables qui ont besoin d’aide alimentaire et de soins de santé. La possibilité de continuer à coopérer avec les organisations religieuses, les services gouvernementaux et des Organisations non gouvernementales a été aussi envisagée. Cette coopération aiderait la plupart des personnes qui subissent le poids du ralentissement économique au lendemain de la pandémie en créant des moyens de subsistance alternatifs. Il faut continuer à adopter des mesures adéquates pour protéger les membres vulnérables de l’Institut, en particulier, ceux dans nos maisons de retraite. Et si c’est possible, il importe d’envisager la possibilité de former adéquatement des membres de l’Institut, pour aider des personnes souffrant de traumatismes psychologiques et de stress dus à la pandémie. Il est aussi vivement souhaité d’assurer une formation appropriée des jeunes confrères pour la mission dans le contexte post-COVID-19. Pour finir, il est urgent d’assurer une meilleure gestion des ressources disponibles et de renforcer la solidarité congrégationnelle. Nous souhaitons que des mesures nécessaires soient prises pour concrétiser certaines de ces propositions.
Nous avons jusque-là essayé de présenter quelques éléments des actions posées par les membres de l’Institut, dans le cadre de la mission, afin de revitaliser l’Institut dans l’esprit de la trilogie corps-âme-esprit. Toutefois, nous ne devons pas oublier l’appel explicite à nous pencher d’une manière spéciale sur l’âme (le cœur) de la Congrégation. Pouvons-nous dire que les confrères ont répondu à cet appel et que le prochain Chapitre général n’a plus besoin de revenir sur cet élément clé de notre trilogie ?
Trait d’union entre l’appel du 15e Chapitre général et le 16e Chapitre général CICM en préparation
Nous ne pouvons pas être satisfaits de l’attention qui a été accordée jusque-là à l’âme de la Congrégation. Entretenir l’âme de notre Congrégation est un travail qui ne sera jamais achevé. Ainsi, pour encourager davantage les membres de l’Institut à la fidélité aux vœux de religion, à la prière intense tant individuelle et communautaire, à la contemplation, à la réconciliation, à la vie communautaire et à un nouvel élan missionnaire, le thème suivant a été retenu pour le prochain Chapitre est : « Témoigner de l’évangile dans un monde en mutation ». Les trois mémos, qui ont été envoyés aux membres de l’Institut pour la méditation personnelle et communautaire, pour des réflexions et partages en petits groupes en vue de la préparation des Assemblées provinciales et régionales en vue du prochain Chapitre, sont titrés : « Spiritualité et Mission : évangéliser est notre joie » ; « La réconciliation comme don de Dieu et tâche missionnaire » ; « L’interculturalité : un témoignage ».
Par ailleurs, les contenus de ces mémos n’étaient pas seulement utiles pour la préparation et le déroulement des Assemblées provinciales et régionales.
Ils doivent continuer à être pour chaque membre de l’Institut un rappel constant à améliorer l’âme (le cœur) de la Congrégation. Dans cette perspective, nous
aimerions reprendre ici ces mots adressés aux religieux et religieuses de Londres le 29 mai 1982 par saint Jean Paul II :
La plupart des gens savent ce que vous faites ; ils vous admirent et vous apprécient pour cela. Mais votre vraie grandeur vient de ce que vous êtes. Peut-être ce que vous êtes est-il moins connu et compris. De fait, on ne peut saisir ce que vous êtes qu’à la lumière de la « vie nouvelle » révélée par le Seigneur ressuscité. Dans le Christ, vous êtes une « création nouvelle » (cf. 2 Co 5, 17)… Cette « vie nouvelle » est un don du Christ à son Église.
Nous espérons que ces paroles pourraient bien nous guider dans nos efforts d’améliorer tous les jours la qualité de notre vie et de notre engagement pour mieux remplir notre rôle comme missionnaire religieux dans ce monde en mutation.
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1. Cf. CICM, Actes du 15e Chapitre général, Rome, 2017, p. 11-12
2. Cf. CICM, General Conference Report, Santo Domingo, 2019, p. 23
3. Cf. Ibidem, p. 25.