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    Lettre du Père Théophile Verbist

    Atkin Timothy Ongoing FormationPar Jos Das, cicm


    Lettre reçue au CTV-Mbudi (Kinshasa)

    Chers fils,

    Cela fait 150 ans, jour pour jour, que j’ai quitté la Mongolie vers laquelle le Seigneur m’avait envoyé pour y porter la Bonne Nouvelle de son Fils. À mon humble avis, il m’a appelé chez lui trop tôt, car l’œuvre que j’avais commencée sous l’inspiration de l’Esprit était à peine née. Ce jour-là, la Congrégation était comme un enfant qui n’avait que 5 ans. Maintenant, comme je suis dans la maison du Père, j’ai un autre regard, celui de Dieu, j’ai changé d’avis. Je vois maintenant beaucoup plus clair. Je vois que cette œuvre n’était pas la mienne, mais celle du Seigneur, et ce qu’il avait commencé, il ne pouvait pas le laisser mourir. C’est cela que je voudrais vous dire : la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie est l’œuvre de Dieu à laquelle il nous a appelés à collaborer, vous tous et moi. Imprégnez-vous de cette vérité, alors vous pourrez vivre votre mission, la mission de Dieu, avec con- fiance, car elle est en bonnes mains, celles de Dieu.

    Maintenant, en écartant les nuages, et du haut du ciel, je regarde le monde, et je vous vois à l’œuvre dans quatre continents. Je suis vraiment étonné. Le jour où j’ai quitté la terre, aux dernières heures de ma vie là-bas, je pensais que c’était fini. J’étais inquiet, angoissé même, je pensais : « j’ai travaillé en vain ». Pourquoi ces pensées négatives ? Parce que je considérais la fondation comme mon œuvre à moi, mais c’était l’œuvre de Dieu. Et elle l’est toujours. D’où cette éclosion. Nous semons, mais c’est Dieu qui donne la croissance, comme le dit S. Paul. De nombreux confrères m’ont rejoint ici à la maison de notre Père, plus de 2000. Nous sommes heureux ensemble, nous sommes heureux de nous retrouver ici. Nous ne vous oublions pas, mais nous prions pour vous tous.

    Oui, je le répète, je suis étonné et en même temps très heureux de voir comment cette petite plante du début a grandi et est devenue un grand arbre. L’image a changé, la couleur a changé. Mes premiers compagnons étaient tous des Belges et Hollandais, et cela a été comme ça pendant encore beaucoup d’années. Mais la vie, le travail, la joie, l’endurance ont inspiré et attiré des jeunes des pays où nous étions à l’œuvre. Aujourd’hui, la famille des Scheutistes, des cicm, compte parmi ses membres de confrères de l’Afrique, de l’Asie, des deux Amériques, de l’Europe. Elle est devenue comme un immense champ de fleurs, de différentes couleurs et beautés, un champ beaucoup plus riche et moins monotone qu’au début. Quand j’ai commencé cette œuvre, je ne pouvais pas m’imaginer une telle éclosion, une telle croissance. Rendons grâce à Dieu, car il est bon.

    Je sais que ce n’est pas facile de vivre ces différences de cultures, de mentalités et d’âges. Moi - même j’en ai fait l’expérience quand je suis arrivé en Chine, en Mongolie intérieure. J’ai souffert pour apprendre la langue, une langue très difficile, et à mon âge… et je dois avouer humblement que ma connaissance était très rudimentaire. Mais j’ai fait des efforts et les gens ont apprécié cela. Ils m’ont aimé et ils voulaient que je reste parmi eux. C’est pourquoi ils ne voulaient pas qu’on transfère ma dépouille à Scheut. Quelques confrères ont dû le faire en secret. Et en plus, comprendre la mentalité des gens, entrer dans cette mentalité, c’est encore beaucoup plus difficile qu’apprendre une langue. Le missionnaire dans un autre pays, dans un autre peuple, reste toujours un étranger, même après de nombreuses années de présence engagée. C’est cela un aspect de sa pauvreté qu’il est invité à accepter humblement.

    Je suis fier de vous voir à l’œuvre. Partout où vous arrivez, la première chose que vous faites, c’est apprendre la langue du peuple et vivre une période d’intégration. La langue est la porte d’entrée. Le souci est d’être proche du peuple, de devenir frères. Du haut du ciel, avec mes confrères autour de moi, je vois celui-là très doué pour des langues, il se sent à l’aise ; un autre qui peine, mais qui avance. Il fait des progrès, et surtout, il aime son peuple, et les gens l’aiment aussi. C’est cela qui est important, c’est cela l’Évangile. Je vous encourage d’aimer les gens et de vous laisser aimer. Beaucoup de confrères ont mis la langue locale par écrit, ont composé des grammaires et dictionnaires, ont traduit l’Évangile et la Bible tout entière dans des langues locales. Félicitations !

    Je vois aussi partout où vous travaillez des communautés fraternelles, des communautés de plus en plus internationales et multiculturelles. Vivre l’interculturalité est un défi à relever, ce n’est pas facile de vivre avec des personnes d’autres cultures, avec une autre mentalité, j’en ai fait moi-même l’expérience pendant les quelques années que j’ai vécu en Mongolie intérieure, je l’ai vu aussi chez mes confrères. Il y en avait qui ont bien réussi, d’autres se avait un sentiment de supériorité. Il y avait des tensions. Je le constate parfois aussi chez vous aujourd’hui. Mais vous y travaillez sérieusement. Vous avez publié «Les Directives générales sur la vie multiculturelle» pour aider et encourager tous les confrères à vivre une vie communautaire harmonieuse, nonobstant les différences. Ainsi, je suis heureux que beaucoup parmi vous vivent une vie communautaire, fraternelle. C’est un grand témoignage dans le monde d’aujourd’hui où il y a tant de divisions, de rivalités, de régionalismes, de tribalismes. Sachez que votre vie communautaire et fraternelle est déjà mission. C’est l’Évangile vécu. Jésus a dit un jour : vous êtes tous frères. Et Saint Paul ajoute qu’il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus.

    Est-ce que je dois vous dire que la vie missionnaire exige courage et endurance ? Je crois que vous en faites l’expérience chaque jour. Mais j’y ajoute qu’elle demande aussi une grande confiance en Dieu. C’est sa mission à lui, il ne vous abandonne jamais, il vous accompagne. Deux paroles que j’ai répétées souvent de mon vivant : courage et confiance ! Dans vos prières personnelles et communautaires, confiez toujours votre mission au Seigneur. Un vrai missionnaire est un homme de terrain, actif, entreprenant, pionnier - les Scheutistes sont connus comme de vaillants travailleurs - mais il doit être aussi un contemplatif, sinon on risque de bâtir sur du sable.

    Donc, je suis heureux, très heureux même, de vous voir à l’œuvre dans la vigne du Seigneur. Mais de l’autre côté, je ne peux pas vous cacher ma profonde tristesse, ma déception, à cause des scandales causés par certains, à cause des contre-témoignages d’autres, à cause des défections de confrères. J’ai lu cette parole du Pape François et je vous pose la même question : « Qui voulons-nous évangéliser avec de tels comportements ? » D’où viennent ces défections ? Peut-être de la solitude ? Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Ces paroles de Dieu valent aussi pour vous. Sans une vie communautaire, nous risquons d’aller chercher des compensations ail - leurs : l’alcool, la femme, une vie bourgeoise, l’argent. Ainsi je vous invite à ne jamais laisser tomber un confrère, à avoir une attention fraternelle pour ceux qui passent par un moment difficile, pour ceux qui se sentent seuls, abandonnés, découragés, à vous soutenir mutuellement par une correction fraternelle, par la prière. Même les confrères qui ont quitté la Congrégation, restent toujours des confrères, vous ne pouvez pas les oublier. Je suis heureux qu’on ait remis leur photo dans la galerie de photos dans la maison - mère à Scheut.

    Oui, vous avez besoin d’argent pour accomplir votre mission. Je l’ai écrit à mes compagnons, j’en ai fait moi-même l’expérience. C’était un casse-tête : la vie de mes compagnons en Chine, nourrir tant d’orphelins, initier des œuvres pour l’évangélisation. Ainsi, je suis content que vous fassiez partout des efforts pour l’autofinancement, pour la prise en charge. Je vous en félicite. Mais l’argent n’est pas un but, il doit être toujours au service de la mission. Dans les anciennes Constitutions de la Congrégation, encore en latin, je lis : «Habentes alimenta et quibus tegantur, his contenti sint», des paroles reprises de Saint Paul : « Lors donc que nous avons nourriture et vêtement, sachons être satisfaits ». Il faut compter aussi sur la Providence divine, comme j’ai écrit : « J’ai confiance que cela (l’argent) arrivera. Le bon Dieu sait que sans argent il n’y a pas moyen de faire son œuvre ».

    Cependant, l’argent semble être un danger. Est-ce que je peux vous exprimer mon étonnement et ma grande tristesse quand je lis le Décret dans les Actes du dernier Chapitre général : « … le 15e Chapitre général décrète que tout cas de mauvaise gestion ou de fraude financière grave soit sévèrement puni, en exigeant de son auteur réparation et restitution. En cas de refus avéré et de manque de collaboration de la personne concernée, l’autorité compétente recourra aux procédures de renvoi de l’Institut… ». Si les participants au Chapitre en sont arrivés à un tel décret, cela laisse entendre que la mauvaise gestion ou la fraude financière ne sont malheureusement pas des cas rares et qu’il faut y remédier avec des moyens forts. Saint Paul avait raison d’écrire : « La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent », qui mène à la ruine et la perdition. Le Pape François le dit de sa façon : « Le diable entre par les poches ».

    Chaque année, le nombre des confrères diminue. Mais j’ai confiance, car chaque année un bon nombre de jeunes rejoignent les rangs de la Congrégation. Je prie le bon Dieu qu’il donne de bons, de vrais Scheutistes. Si le Seigneur donne de jeunes enthousiastes, courageux, endurants, persévérants, l’avenir de la Congrégation est assuré. Je vous dis que la mission en Mongolie intérieure était rude et ingrate ; elle l’est partout, je crois. Il vous faut donc des forces spirituelles et physiques nécessaires pour endurer des épreuves. Je reprends ici les paroles que j’ai écrites au noviciat de Scheut le 20 octobre 1867 : « Oh ! oui, mes chers amis, dans l’intérêt de la mission à laquelle vous vous offrez si généreusement, et dans votre propre intérêt, ne soyez pas téméraires ; éprouvez votre vocation, sans précipitation ; éprouvez-là sérieusement ». Courage et confiance ! Avec de demi-vocations, la Congrégation n’est pas servie. Si après un sérieux discernement, vous vous rendez compte que le Seigneur ne vous appelle pas à la vie missionnaire cicm, ayez l’humilité de faire sa volonté, sans honte ni rancœur. Le bon Dieu continuera à vous aimer.

    J’ai encore bien d’autres choses à raconter, mais si je les mettais par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres que j’en écrirais.

    Encore une chose qui fait ma joie. Je suis heureux que vous ayez choisi comme thème de votre dernier Chapitre général mes paroles : « Quelle bonne et belle mission ! ». Je les répète ici. J’y ajoute : Courage ! Allez ! Ne craignez pas ! Car la mission est parfois dure et ingrate. Mais aussi, confiance ! Car le Seigneur vous accompagne.

    Votre humble père fondateur Théophile Verbist ■


     foto articolo jos das


    Créé à l’image de Dieu

    Atkin Timothy Ongoing FormationPar Charles Ilunga, cicm

     

    « J’espère qu’à la fin de votre année sabbatique, vous allez écrire un article », me disait Raphaël Mukendi, notre Secrétaire général, lors de ma première rencontre avec lui, un dimanche au Collegio. Je lui ai donné un oui évasif comme je ne l’avais pas encore entamée : oui on verra !

    « Renouvelez-vous et revêtez l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité » (Ep 4,23 — 24).

    Plusieurs facteurs peuvent nous convaincre de nous décider un jour de prendre une année sabbatique. Pour ma part, c’est la conviction d’avoir terminé une tâche qui m’était confiée en un endroit bien déterminé. Ainsi, il me fallait partir de là pour me renouveler physiquement, intellectuellement et spirituellement.

    Le début n’est pas facile, et toute rupture avec le passé est douloureuse. Il est donc difficile de laisser derrière soi son passé, pour se lancer dans une nouvelle aventure, et l’incertitude fait peur. Après que les Israélites soient sortis d’Égypte, ils continuaient à se rappeler des marmites de viande, des oignons et du pain à satiété, malgré l’oppression qu’ils avaient subie en Égypte (Ex 16,3).

    L’expérience prouve qu’il faut souvent du courage et une grande détermination pour rompre avec le passé, afin de renaître à une nouvelle vie. En fait, je me laissais avaler par un activisme forcené. Je considère donc cette année sabbatique comme une invitation du Seigneur au désert pour me dépasser et me purifier.

    Mon année sabbatique a gravité autour de quatre axes : les cours, la vie spirituelle, le repos et la découverte de la cité éternelle (lier l’utile à l’agréable). Je vais surtout écrire sur les deux premiers points.

    Durant mon année sabbatique, j’ai habité la communauté des Pères Comboniens, située sur Via San Pancrazio 17b, à Rome. Ainsi, j’étais tout près de la Faculté Pontificale de Théologie Spirituelle Teresianum, dirigé par les Pères Carmes Déchaux. Pour l’année académique 2016-2017, je me suis inscrit comme auditeur libre et j’ai suivi quelques cours en Anthropologie Chrétienne.

    Ce thème « Homme, créé à l’image de Dieu » m’a fortement fasciné, au point que je me suis décidé d’écrire cet article. En effet, l’anthropologie chrétienne est fondamentalement une anthropologie où l’homme est voulu pour lui-même, et où chaque être humain est capable de vivre de l’amour, en raison même de son origine. Le dernier jour de la création, Dieu dit d’un ton solennel « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance ! » (Gn 1,26), comme couronnement de sa création.

    1. La vie intellectuelle

    Beaucoup de penseurs ont écrit de belles pages et développé des réflexions sur ce thème « image de Dieu », selon plusieurs perspectives : philosophique, théologique, exégétique, etc. La matrice biblique exprimée en Gn 1,2 n’a cessé, depuis des siècles jusqu’à nos jours, d’être le point de départ la réflexion anthropologique chrétienne, puisque la dignité de la personne humaine s’enracine dans sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu.

    Je laisserai de côté le débat et la spéculation théologique sur ce thème, pour parler de l’image de Dieu dans sa vision relationnelle. En effet, le terme « image » désigne un rapport et exprime une relation. L’homme, créature douée d’intelligence et de volonté, est la première des créatures et le plus proche de Dieu en vertu de cette image qui suppose, par définition, la proximité immédiate de Dieu, comme terme de la relation de ressemblance qu’implique toute image.

    De toutes les créatures visibles, seul l’homme est capable de connaître et d’aimer son Créateur. Il est la seule créature sur la terre que Dieu a voulue pour elle-même ; lui seul est appelé à partager la vie de Dieu, par la connaissance et l’amour. Il a été créé à cette fin, et c’est là la raison fondamentale de sa dignité. Même si les approches traditionnelles de l’image de Dieu présentent des avantages, elles présentent aussi l’inconvénient de ne pas relever assez le fait que l’être humain se définit par rapport à Dieu, dans une relation de communion.

    En Dieu lui-même, en proclamant : « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance », nous trouvons la notion de relation et de communion. Créée à l’image de Dieu, l’humanité existe en relation avec Dieu, le Dieu Trinitaire. Dieu n’est pas seul, solitude, ou monolithique. Il est trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il est famille et communion. La Trinité divine est une expression d’une relation dans l’altérité. Être créé à l’image de Dieu peut donc être conçu comme une dynamique personnelle, ainsi les êtres humains sont appelés à représenter Dieu dans la création. Cette représentation devrait aussi bien être perçue dans les relations humaines.

    Comme nous venons de le dire, le Dieu Unique que révèle la Bible est constitué de trois Personnes distinctes, toutes les trois également divines : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; une seule essence, un seul Dieu. L’image et la ressemblance de Dieu en l’homme doivent donc, d’une certaine manière, refléter ce caractère trinitaire du seul vrai Dieu. C’est pour cela que Dieu se décline lui-même au pluriel lorsqu’il crée l’homme, en disant : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. »

    La nature de Dieu étant communautaire, l’homme n’est donc pas un atome individuel ; il est doté ontologiquement d’une nature communautaire, et vient d’une famille, d’un clan, tribu, nation et humanité. Il en est de même pour l’homme régénéré, qui ne peut être conçu séparé du Corps du Christ. L’idée d’un homme isolé comme un atome solitaire est donc une pure absurdité. Tous ceux qui sont issus d’Adam comme image et ressemblance de Dieu, sont donc image Trinitaire, chacun pour son propre compte, et cela dès sa conception jusqu’à sa mort.

    Dans la ligne de cette redécouverte de la profondeur du thème de l’image de Dieu (imago Dei) depuis le Concile Vatican II, la Commission théologique internationale réaffirme la vérité du fait que les personnes humaines sont créées à l’image de Dieu, afin de jouir de la communion personnelle avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et de la communion personnelle entre elles, et afin d’exercer, au nom de Dieu, une intendance responsable du monde créé. À la lumière de cette vérité, le monde n’apparaît pas comme une réalité simplement très étendue et vide de sens, mais comme un lieu créé pour la communion personnelle et fraternelle.

    Par son péché, l’homme a perdu « sa ressemblance » avec Dieu, mais Dieu ne va pas l’abandonner, tout son dessein salvifique consistera dès lors à redonner la « ressemblance » à sa créature pécheresse (Lc 15,4-6).

    La plupart de nous connaissent ce chant « Que tes œuvres sont belles, que tes œuvres sont grandes… Tout homme est une histoire sacrée, l’homme est à l’image de Dieu. » Cette réflexion sur l’image de Dieu, dans sa dimension relationnelle, nous conduit à nous laisser interpeller sur l’image de Dieu dans nos communautés. L’image de Dieu projette une lumière sur notre vie de communion fraternelle (Constitutions CICM, Art. 48, 49 et 50) et suscite la conversion pour devenir, malgré nos limites humaines, la communion de la Sainte Trinité. La relation d’amour qui passe entre ces trois Personnes divines serait un chemin pour bâtir des communautés où mon confrère est créé à l’image de Dieu.

    Le Pape François a suggéré un « moyen concret » pour « manifester » la Résurrection, c’est-à-dire à travers la « la vie fraternelle en communauté. » En fait, dit le Pape : « Il s’agit d’accueillir les frères que le Seigneur nous donne : pas ceux que nous choisissons, ceux que le Seigneur nous donne. Depuis que le Christ est ressuscité, il ne nous est plus permis, comme le dit l’apôtre Paul, de regarder les autres de façon humaine (cf. 2 Co 5,16). Nous les voyons et nous les accueillons comme un don du Seigneur. L’autre est un don qui ne peut être ni manipulé ni méprisé ; un don à accueillir avec respect, car en lui, surtout s’il est faible et fragile, le Christ vient à ma rencontre […]. Dans une société qui tend à niveler et à massifier, où l’injustice oppose et divise, dans un monde déchiré et agressif, ne faites pas manquer le témoignage de la vie fraternelle en communauté » (Pape François, Message du 24 juin 2017). Cela est possible par la relation d’amour qui passe entre les trois Personnes divines.

    Seigneur, fais de nos communautés et nos relations un vrai miroir de la Sainte Trinité.

    2. La vie spirituelle

    En choisissant de prendre quelques cours à la Faculté Pontificale de Théologie Spirituelle, Teresianum, j’ai découvert la spiritualité carmélitaine. L’axe principal qui fonde la spiritualité carmélitaine est l’oraison. Elle est une forme de prière silencieuse, présentée comme un temps consacré à s’éveiller à la présence de Dieu qui habite en l’homme, au plus intime de son cœur.

    La vocation de l’homme la plus profonde c’est de rejoindre cette présence au fond de lui. Et l’oraison est ce chemin de l’homme pour rejoindre Dieu qui est là présent au fond de lui et qui l’attend. Karl Rahner affirmait que : « le chrétien du futur sera un mystique ou ne sera pas chrétien. »

    Deux Docteurs mystiques, Sainte Thérèse d’Avila et Saint Jean de la Croix nous tracent un itinéraire à suivre pour arriver à cette union avec Dieu. Dans son livre « Château intérieur », Sainte-Thérèse offre un itinéraire spirituel en sept demeures pour ceux qui désirent s’approcher de Dieu et de Jésus Christ. Tandis que, Saint-Jean de la Croix, dans « La montée du Carmel », décrit les différentes étapes pour arriver à l’union avec Dieu, en se focalisant sur l’oraison et l’exercice des vertus théologales. Pour parvenir à l’union avec Dieu, Jean de la Croix montre qu’il y a beaucoup de choses incompatibles entre l’homme et Dieu. Ainsi, l’homme doit passer par un chemin de purification pour se séparer de tout ce qui est incompatible avec la volonté de Dieu. La vocation à l’union est la clé du rapport entre l’homme et Dieu, et ce fil rouge a été d’une grande inspiration dans la vie de Sainte Thérèse de Lisieux, Sainte Élisabeth de la Trinité et Sainte ThérèseBénédicte de la Croix (Edith Stein). Cette union à Dieu est un des thèmes fondamentaux de la théologie spirituelle. Le Père Carlo Laudazi, OCD, a écrit un livre dont le titre est L’uomo chiamato all’unione con Dio in Cristo (L’homme appelé à l’union avec Dieu dans le Christ). Toute vie spirituelle est fondée sur la conviction que l’homme est invité à répondre à l’amour de Dieu. La vie spirituelle est une vie qui s’unifie dans l’accueil de l’Esprit de Dieu, même si elle peut se révéler difficile.

    La lecture de la vie des Saints nous montre qu’ils ont été des chercheurs de Dieu, des témoins inlassables de Dieu, chercheurs de sa présence et son action dans leur vie. Ils ont cheminé sur les voies de la contemplation : cette soif de voir Dieu, de le chercher et d’être en conversation avec Lui. C’est cette ouverture à Dieu qui a donné sens et saveur à leur vie.

    La contemplation de Dieu transforme la personne, en la faisant devenir l’image de Dieu. Sainte Elisabeth de la Trinité disait : « Les saints Le connaissent comme ils sont connus de Lui, c’est-à-dire par une vision intuitive. C’est pourquoi ils sont transformés de clarté en clarté, par la puissance de son Esprit, en sa propre image. » Cette ressemblance à Dieu permet d’être la manifestation de la gloire de Dieu. Le but de la vie spirituelle est la vision de Dieu.

    « Le missionnaire, s’il n’est pas un contemplatif, ne peut annoncer le Christ d’une manière crédible ; il est témoin de l’expérience de Dieu et doit pouvoir dire comme les Apôtres : “Ce que nous avons contemplé…, le Verbe de vie…, nous vous l’annonçons” (1 Jn 1,1-3) ; (Redemptoris Missio, n.91). ■


    Revitalisation de la théorie à la pratique

    Atkin Timothy Ongoing FormationPar Frans De Ridder, cicm

    Dans l’évangile de Luc, nous trouvons ces versets : «Le peuple était dans l’attente» (Lc 3.15). Le 14° Chapitre CICM est « derrière » nous… Il a eu lieu en juin 2011. De même qu’après tous les Chapitres, de même qu’après Vatican II, «Le peuple était/est en attente».

    Un peu plus haut, en Lc 3,10, nous lisons : «Les foules l’interrogeaient: “Que devons-nous faire?». Je sais que chacun de nous doit répondre à cette question personnellement. Personne ne peut nous dicter ce qu’il y a lieu de faire. 35 années d’expérience     de Mariage Rencontre m’ont appris qu’il n’y a pas mal de gens qui sont incapables de penser personnellement, qui ne peuvent pas imaginer qu’il peut toujours y avoir une alternative.

    Nous avons tendance à considérer les choses comme définitives ; nous pensons et nous nous comportons comme si la manière actuelle de vivre notre vie missionnaire religieuse était la seule possible et la seule raisonnable. Je crois que les gens auxquels s’adressait Jean-Baptiste ne constituaient pas des exceptions ; c’est pourquoi il leur répondait « au niveau des pâquerettes » :

    # « Que celui qui a deux manteaux partage avec celui qui n’en a pas ».

    # « Que celui qui a de la nourriture fasse de même ».

    # « Ne percevez pas plus que ce qui est prescrit ».

    # « Ne brutalisez personne, n’accusez faussement personne, contentez-vous de votre solde ».

    Je vais faire mon possible pour être concret, « au ras des pâquerettes ». Je ne vise aucun confrère en particulier et ceux qui se sentiraient offensés, je leur demande de me pardonner.

    1. Nourriture et boisson

    Une chose me dérange sans cesse depuis plusieurs années. Dans ce monde qui est le nôtre, le plus grand tueur, ce n’est ni le cancer ni la crise cardiaque ; c’est l’obésité ! 400 millions de personnes souffrent de cette maladie moderne pendant que, toujours dans notre monde,

    30 000 personnes meurent chaque jour de faim ou de dénuement : plus de dix millions par an !

    Que penserions-nous d’un « jeûne pratique » sur base de volontariat, peut-être une fois par semaine ? Ou alors, moins boire    et    manger    et donner l’argent aux pauvres ? J’apprécie un bon verre de bière. Pourtant, avons-nous vraiment besoin d’un verre (ou davantage !) chaque jour ? Et bien souvent, c’est « à choix multiple ! ». La question n’est plus : « Veux-tu un verre de bière ? », mais bien « Quelle bière veux-tu aujourd’hui ? ». Mes parents étaient de simples fermiers qui devaient travailler dur pour joindre les deux bouts à la fin de chaque année. Nous n’avions de la bière que les dimanches et cela nous apparaissait comme des jours de fête ! Un vrai dessert aussi, ce n’était que le dimanche ! N’oublions pas non plus que CICM a eu et compte toujours un bon nombre de confrères alcooliques ! Un verre de whisky ou de cognac (ou plusieurs !), cela est-il vraiment indispensable chaque jour ? Une lecture sérieuse de l’évangile peut nous faire comprendre que « jeûner » constitue une manière de renouer avec l’Époux (Mt 9,15). Lorsque nous nous sentons un peu à bout de course, lorsque nous commençons à douter de la vraie présence de Dieu dans notre vie…, jeûner peut devenir une Prière du corps et de l’âme. Permettez-moi de citer quelques guides spirituels :

    # St Basil: « Si tous les humains pouvaient accepter le conseil de jeûner pour affirmer leurs différences, il n’y aurait plus aucun obstacle sur le chemin de la plus profonde paix possible pour le monde ».

    # Drewerman: « La tendance humaine à manger, l’effort pour tout consommer est “la pulsion de l’existence”, le désir de remplir le vide du néant. Puisqu’il ne veut pas reconnaître son propre néant, l’homme veut dévorer le monde entier ».

    # L’évêque Aloysius Jin de Shanghai: « Je savais clairement que le communisme ne pourrait jamais détruire le christianisme ; l’histoire a évacué ce problème. Mais aujourd’hui, je crains que ce que le communisme ne peut pas et n’a jamais pu faire soit réalisé maintenant par la société de consommation ». C’est exactement ce qui arrive à notre monde…

    Vincent Lebbe: le missionnaire belge en Chine, fondateur de quatre communautés religieuses, les mettait fortement en garde contre la « mentalité bourgeoise ».

    Paul Van Breemen dit dans un de ses livres : « Après Vatican II, de grands groupes de religieux ont quitté la vie religieuse… S’il y a un rêve possible aujourd’hui dans la vie religieuse, alors il n’y a plus aucune raison de la quitter… Et pourtant, il n’y a pas non plus de raison pour la rejoindre ! ».

    1. Vie de prière

    Dans la deuxième partie de notre noviciat, on nous a proposé une deuxième méditation chaque jour. Heureuse surprise pour moi, je peux témoigner du fait que, à Singapour et dans d’autres parties du monde, de nombreux laïcs se mettent à cette habitude : deux fois par jour une demi-heure de méditation, une chose promue par la « World Community of christian meditation » (WCCM). « Calmez-vous et sachez que je suis Dieu » (Ps 46,11) Mgr l’archevêque Fulton Sheen, speaker à la radio et à la télévision aux USA avec beaucoup de succès, consacrait tous les jours de sa vie une heure entière à l’adoration du Saint Sacrement. Pour beaucoup de raisons pratiques, je suis convaincu qu’une heure comme celle-là pourrait très bien servir à une méditation à l’aide d’un mantra (par exemple : ma-ra-na-tha) deux fois par jour : une demi-heure matin et soir. Les mots de Karl Rahner pourraient bien être prophétiques ici : «Le chrétien du 21° siècle sera mystique ou ne sera rien du tout».

    1. Transports et voyages

    Il y a beaucoup de bonnes raisons pour jeter un regard sévère sur cet aspect de la vie CICM ! Les voitures sont des choses qui coûtent cher et causent beaucoup de nuisances : le prix d’achat, l’entretien, l’assurance, la place de parking, les embouteillages, la pollution de l’air… Il peut y avoir de bonnes raisons pour lesquelles des confrères « ont besoin » d’une voiture pour leur travail. Aucun problème pour moi ! Mais ce principe ne devrait pas devenir un prétexte pour que de nombreux confrères aient chacun la sienne personnellement.

    Ce qui est le plus important, c’est que les voitures nous « isolent » des gens ordinaires qui se déplacent dans les transports publics. Parfois, je suis surpris et même scandalisé de lire que des confrères viennent en voyage dans leur ancienne mission ou prennent des vacances fort chères, même si tout cela est payé par de bons amis. Est-ce que cela s’accorde avec notre vœu de pauvreté ?

    1. Gadgets électroniques

    Pour un missionnaire aussi, un ordinateur est un instrument commode dans notre monde moderne. Mais devons-nous toujours acheter le meilleur, le plus cher, le dernier-né sur le marché ? Ceci est vrai aussi pour les confrères qui achètent une caméra, qui ont une télévision personnelle dans leur chambre, téléphones portables, etc. Ces objets ne sont pas seulement très chers ; bien souvent aussi, ils sont la source d’incroyables pertes de temps ! Bien souvent aussi, ils peuvent miner notre vie spirituelle, notre goût de Dieu. Progressivement, notre vie spirituelle se sécularise et s’empoisonne ! Nos chambres à coucher devraient être des endroits pour dormir et pour prier (cf. Mt 6,6) et non des salles de TV ! Soyons honnêtes : la TV peut causer la fin d’une vraie vie de communauté ! C’est le cas pour de nombreuses familles aujourd’hui ! Non seulement nous vivons « dans » le monde ; de plus en plus, nous sommes « du » monde ! Pourtant, Jésus disait : «Ils ne sont pas du monde comme moi - même je ne suis pas du monde» (Jn 17,14).

    A Taiwan, il y a des monastères bouddhistes qui sont de vraies sources d’inspiration. Le Maître Sheng Yan in Fa Gu Shan résume leur spiritualité en quelques lignes : ce dont nous avons vraiment besoin, ce n’est pas beaucoup ! Ce que nous désirons, c’est beaucoup de trop ! Allez seulement vers les choses dont vous avez vraiment besoin !

    Beaucoup de choses que nous désirons ne sont pas importantes !

    La justice, c’est donner ce dont nous n’avons pas besoin nous-mêmes ! Cela appartient aux pauvres !

    La charité, c’est donner à partir de ce dont nous avons besoin nous-mêmes !

    Résumé

    Sainte-Thérèse d’Avila a dit un jour : «Celui qui a Dieu ne désirera jamais plus rien!».

    Je suis convaincu que c’est là la véritable essence de la vie religieuse : vivre sa vie pour Dieu, avec Dieu ! Dieu la joie de notre cœur !

    « Tu me feras connaître le chemin de la vie, une plénitude de joie en ta présence, un bonheur sans fin juste à ton côté » (Ps 16,11)


    Un nouveau mot : « post-vérité »

    Atkin Timothy Ongoing FormationPar Timothy Atkin, cicm

    Les récentes campagnes électorales et récents référendums nous ont présenté un nouveau mot, « post-vérité ». Le Dictionnaire Oxford a même choisi « post-vérité » comme son mot pour l’année 2016, cela après le référendum controversé sur le « Brexit », et également après une élection présidentielle américaine, qui a divisé les gens et a favorisé une utilisation encore plus massive de cet adjectif.

    Le mot « post-vérité » est attribué à un auteur américain, Ralph Keyes, qui l’a inventé et utilisé comme titre de son livre paru en 2004 : « L’ère post-vérité ». Ce mot se réfère aux mensonges flagrants, qui sont systématiquement acceptés comme la vérité par l’ensemble de la société. Keyes écrit : « Dans l’ère post-vérité, les frontières deviennent floues entre la vérité et le mensonge, l’honnêteté et la malhonnêteté, la fiction et la non-fiction. Tromper les autres devient un défi, un jeu, et finalement, une habitude. »

    Dans les campagnes électorales récentes, nous avons constaté que les politiciens peuvent proférer des mensonges sans être condamnés. Cela diffère de l’opinion selon laquelle, tous les politiciens mentent et font des promesses qu’ils n’ont pas l’intention de réaliser — car l’opinion commune reste toujours celle selon laquelle, on s’attend à ce que l’honnêteté soit une valeur requise de tous dans les circonstances normales. Cependant, dans notre monde post-vérité, cette attente ne tient plus debout.

    Transparence et responsabilité

    Qu’est-ce que cela signifie quand un politicien peut dire : « Je ne voulais pas vraiment dire ce que j’ai dit ; je l’ai dit parce que voulais être élu ? » Est-ce que cela signifie que quelqu’un peut dire quoi que ce soit, juste pour être ordonné ou recevoir une nomination particulière, que cela soit vrai ou non ? Il suffit de penser aux conséquences pour la formation religieuse ou la sainteté du mariage, si notre consentement librement donné est accompagné d’un qualificatif qui implique que, tout ce qui a été dit ou promis, l’a été simplement en vue d’obtenir ce que l’on voulait, sans engager notre profonde conviction. Comment peut-on connaître quelqu’un ou lui faire confiance, quand la transparence et la responsabilité sont totalement ignorées ?

    Amants de la sagesse et la vérité

    La plupart d’entre nous ont reçu une certaine formation philosophique. Ainsi, nous sommes des « amants de la sagesse », qui avons appris à rechercher le Bien, le Vrai et le Beau. Nous avons aussi étudié la théologie et avons été envoyés annoncer l’Evangile de la Vérité. Le fait que les émotions et croyances personnelles sont souvent en guerre contre la vérité n’est pas un fait nouveau. En fait, le mensonge et les préjugés nous ont toujours accompagnés. Mais, le fait qu’ils puissent être si facilement entendus et acceptés est quand même troublant. Comment pouvons-nous alors vivre et accomplir notre mission, lorsque la vérité des faits a moins d’influence sur les gens, que leurs émotions, leurs croyances personnelles et leurs préjugés ? C’est en restant engagé !

    Fidélité au charisme CICM

    Aujourd’hui, plus que jamais, les éléments de notre charisme CICM, tels que : la proximité aux gens, l’engagement pour la justice, la formation des laïcs et la solidarité avec les pauvres, devraient être mis en évidence. Le mensonge et les préjugés ne sont pas combattus, principalement, par la construction d’édifices ou la célébration des rituels, mais par des sessions de formation bien planifiées ; des homélies bien réfléchies ; et le fait d’être présents dans certains lieux et certaines situations, même quand notre présence nous rend indésirables ou met les autres mal à l’aise.

    Au cours des cinq dernières années, j’ai fait de nombreuses visites canoniques. J’ai visité la plupart des pays où nous travaillons et plusieurs confrères là où ils vivent. J’ai été témoin de nombreux exemples des confrères engagés dans la mission très proches de la vie quotidienne des gens. Leur engagement constitue aussi une façon d’inviter les gens à réfléchir et à suivre l’inspiration de leur propre esprit et leur cœur. Certains confrères peuvent paraître un peu étranges pour beaucoup d’entre nous : trop attachés à une cause ; trop radicaux dans leurs idées ; trop particuliers dans leur style de vie. Et pourtant, ce sont ces confrères qui sont mes vrais héros. Ce sont eux pour qui je suis très heureux de me lever chaque matin et passer ma journée à faire le peu que je fais, afin qu’ils puissent faire les choses merveilleuses qu’ils font.

    Au cours de mes visites, j’ai aussi rencontré des confrères extrêmement occupés. Ils passent d’un endroit à l’autre, me disent-ils, « pour s’occuper des affaires de mon Père ». Ils visitent les chapelles ; administrent les sacrements ; réorganisent ce qui a déjà été organisé ; et décident nouvellement ce qui a déjà été décidé. Ces confrères sont très occupés ; mais sont-ils vraiment engagés ?

    L’article 10 de nos Constitutions nous dit que : « L’Institut se met au service des Églises particulières ». Cela est bien et bon ; mais cela ne signifie pas que nous devons devenir le clergé diocésain ou nous limiter aux préoccupations des Églises particulières. L’article 10 poursuit, en disant : « Nous nous efforçons de répondre à ces besoins (les besoins des Églises particulières), tout en restant fidèles à notre identité ». Le Directoire Commun, qui vient après l’article 10, nous donne 6 articles, 10,1 à 10.6, qui contiennent quelques points pratiques, qui peuvent nous aider à être fidèles à notre identité, tout en servant les Églises particulières. Mais, notre préoccupation première doit toujours être « le souci de la mission universelle, tant à l’intérieur qu’au-delà des frontières » de nos Églises particulières (article 11).

    Créativité et engagement

    Après plusieurs années de visites dans les Provinces et visites des confrères, je commence à me demander : « Nos engagements missionnaires augmentent-ils ou diminuent-ils ? » Je ne parle pas de quantité de nos engagements, mais de leur qualité. Quand je rencontre deux confrères, chacun vivant seul, parce que l’Évêque voulait diviser la paroisse où ils travaillaient ensemble, je suis sûr que l’Évêque et les fidèles en sont heureux. Mais, je me demande : « Est-ce que ces deux confrères sont toujours engagés à donner un témoignage du travail en équipe et de la vie communautaire ? »

    Quand un confrère me dit qu’il a 20 communautés chrétiennes de base dans sa paroisse et qu’il célèbre la messe dans toutes ces communautés, au moins deux fois par mois, je suis sûr que l’Évêque et les fidèles en sont heureux. Mais, je me demande : « Quand est-ce qu’il trouve le temps pour former les leaders laïcs, ou visiter les communautés en dehors des célébrations liturgiques ? A-t-il une idée de ce que ces leaders prêchent et enseignent quand il n’est pas là ? » Plusieurs messes et célébrations liturgiques ne sont pas nécessairement signe de plus de créativité et engagement. Car, cela peut être aussi signe de vouloir se réfugier dans la routine quand on ne sait plus rien faire ou on a peur d’essayer quelque chose de nouveau.

    Avoir un «œil pour la mission»

    Dans un monde post-vérité, plus que jamais, nous devons avoir un « œil pour la mission ». Nous devons voir et aller vers ces lieux « à l’intérieur et au-delà des limites de nos Églises particulières », où la vérité doit être entendue et témoignée. Dans un entretien donné lors d’une récente réunion des Supérieurs généraux, un des intervenants dit : « La vérité a son propre pouvoir de raviver l’espérance et d’apporter le changement ». J’ajouterais aussi que, la seule façon, pour nous, d’exploiter ce pouvoir et apporter ainsi l’espérance et le changement voulu, consiste à rester engagés. ■

     


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