La Communauté est mission
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Alejandro Ulpindo, cicm
Missionnaire aux Philippines
La réflexion suivante est le résumé de mes 20 ans de parcours au sein de CICM, depuis le postulat jusqu'à aujourd'hui (2004-2024). Je n'ai jamais été seul dans mon ministère, qu'il s'agisse d'apostolat ou de mission ; j'ai eu la chance de toujours travailler dans un contexte communautaire. Ainsi, j'ai cheminé avec des confrères talentueux et enthousiastes. De leur caractère et de leur passion, j'ai appris à apprécier leur singularité et à actualiser mon style de vie et mes convictions. La leçon particulière que j'ai retenue est d'éviter toute généralisation et stéréotype et de parler de la vie communautaire au niveau des relations interpersonnelles avant d'aborder l'interculturalité. Je conseillerai donc à chacun de parler de la vie communautaire, d'abord, sur le plan individuel ou interpersonnel pour mieux en apprécier la beauté.
Mon Confrère, Ma Mission
Le 14ème Chapitre Général de CICM a déclaré que la vie en communauté est déjà une mission : «La communauté n'est pas seulement pour la mission, elle est mission ». Qu'est-ce que cela signifie réellement ? Une définition simple de la communauté pour les religieux montre que la communauté est un groupe d'individus qui partagent des intérêts, des valeurs, des convictions et des objectifs communs et interagissent les uns avec les autres. Si la communauté est comprise comme un groupe d'individus, cela signifie que non seulement la communauté, mais « chaque individu est mission ». Mon confrère est une mission que je dois aimer, chérir, protéger et soigner. Il est de notre devoir de nous soutenir les uns les autres dans l'amour : « Et veillons les uns sur les autres pour nous inciter à l'amour et aux bonnes œuvres » (Hébreux 10:24). Si l'un tombe, nous le relevons ; s'il est fatigué, nous le portons ! S'il fait des erreurs, nous lui pardonnons et essayons de réparer ses erreurs. Ainsi, si vous formez une communauté de plus de deux ou trois confrères, cela implique que vous avez des missions spécifiques supplémentaires à chérir et à servir. Par conséquent, il est conseillé de garder à l'esprit que les personnes religieuses ne coexistent pas et ne travaillent pas seulement ensemble, mais elles partagent, se soutiennent et grandissent ensemble dans la foi : « un seul cœur et une seule âme ».
Fraternité Universelle vs Union Fraternelle
À mon avis, la déclaration que la vie en communauté est déjà une mission instaure la distinction entre deux choses : notre union (fraternité universelle) et l'acceptation de chaque individu comme témoin de l'Évangile (union fraternelle) :
« … Bien plus, nous avons statué que la vie communautaire EST déjà la Mission, car là où deux ou trois frères sont réunis au nom de Jésus et partagent tout, ils témoignent que Dieu est amour. Si notre communauté est composée de membres de différentes races et cultures, notre témoignage n’en sera que plus fort. Être CICM aujourd’hui veut dire : vivre et travailler ensemble dans des Provinces et dans des communautés composées de confrères de races et de cultures différentes, en réalisant notre mission. C’est là que nous devons vivre notre "Cor unum et anima una". Quand nous nous acceptons et vivons ainsi en union fraternelle, nous devenons des témoins de l’universalité de l’amour du Christ ».
Selon cette déclaration, la mission aujourd'hui est un engagement collectif et collaboratif. Personnellement, je suis convaincu qu'il n'y a pas de problème avec le concept de "fraternité universelle". D'après mon expérience, le problème dans plusieurs communautés CICM reste au niveau de l'acceptation de l’autre (union fraternelle) en raison de différences de caractères, d'attitudes et de comportements. Tandis que la fraternité universelle souligne le concept plus large d'unité et de parenté avec toute l'humanité, transcendant les frontières et les différences, l'union fraternelle se concentre sur le renforcement des liens étroits et des relations de soutien au sein d'un groupe ou d'une communauté spécifique. Donc, "quand nous nous acceptons et vivons ainsi en union fraternelle, nous devenons des témoins de l’universalité de l’amour du Christ."
Causes de la rupture dans la vie communautaire
Chaque communauté connaît des hauts et des bas, des joies et des peines. Le 16ème Chapitre Général récemment conclu a pu identifier certaines joies et douleurs qui affectent notre vie interculturelle. Il existe plusieurs types de conflits - des conflits interpersonnels, des conflits de groupe, et même des conflits avec la Congrégation et du problèmes de leadership. Je pourrais les réorganiser dans le tableau qui suit, et y ajouter quelques-uns basés sur mon expérience – principalement la paresse, l'hypocrisie, la mauvaise gestion et les préjugés.
Ces éléments créent un blocage et mettent la communauté dans une situation parfois difficile à décrire. Il faut aussi souligner que le même document (Actes du 16ème Chapitre Général) reconnaît également une grande amélioration dans le monde entier. Certaines attitudes ont également été évoquées pour améliorer cet aspect de la vie, telles que la disponibilité à la conversion, le respect, l'humilité, la patience et la tolérance. Le défi reste de savoir comment les favoriser. Il est triste de dire que parfois nous (ou certains) choisissons de ne pas coopérer. Certains confrères ont du mal à vivre en communauté en raison de comportements radicaux et d'un manque de collaboration. J'ai entendu de nombreux confrères dire qu'ils préfèrent rester seuls (plutôt que d'être mal accompagnés). Certains confrères coopèrent mieux avec les laïcs qu'avec leurs confrères ; beaucoup de problèmes de méfiance, de suspicion, etc. Alors que faire en cas de faute répétée d'un confrère ?
Oui au Pardon, mais Non à la Réconciliation facile
Selon le 16ème Chapitre Général, « Lorsque nous examinons de près notre propre situation, nous pouvons voir que CICM est généreuse en ce qui concerne le pardon des confrères. Pourtant, les confrères pardonnés continuent souvent à persister dans leurs méfaits ». Par conséquent, si nous voulons avoir des communautés saines, nous devons éviter ou nous abstenir de proposer une réconciliation facile.
Une maxime célèbre attribuée au poète romain Sénèque le Jeune dit, « Errare humanum est, perseverare autem diabolicum », signifiant que faire des erreurs est une caractéristique humaine commune (et par conséquent pardonnable), mais persister dans la même erreur est une faute personnelle ou morale (et par conséquent moins pardonnable). Chaque problème dans la vie communautaire doit ainsi être bien traité avant d'être totalement pardonné.
Le vouloir ou pas, « nous sommes une communauté, et la faute d'un membre affecte tout le groupe et sa mission. Il est important que tous les confrères, et pas seulement les Supérieurs Provinciaux, prennent leurs responsabilités. Lorsqu'un confrère remarque une sérieuse faute de la part d'un autre confrère, il doit l'interroger et, si nécessaire, informer le Supérieur compétent. » (16ème C.G.).
Comment donc gérer les malentendus ou les ruptures dans une relation avec un confrère ? Le commentaire de nos Constitutions suggère que « lorsque nous vivons une rupture dans une relation avec un confrère ou avec d'autres, nous devons tendre la main, nous excuser, offrir notre amitié » (Const. CICM, Commentaire, Art. 45). Le processus de réconciliation et de guérison commence par moi et mon désir de reconnaître et d'accepter ma propre part de responsabilité dans le conflit (16ème C.G.). L'Évangile (Matthieu 18:15-20) nous rappelle notre mission en tant que communauté de disciples du Christ, une mission qui va au-delà du salut personnel. Il est de notre devoir de nous appeler les uns les autres à la conversion, de nous guider mutuellement sur le chemin de la droiture et d'assurer le bien-être de notre communauté. La correction fraternelle est un aspect essentiel de cette mission, et elle nous oblige à dire la vérité avec amour, en corrigeant les autres dans l'intention de les sauver et de les réconcilier.
Le processus de correction fraternelle implique trois étapes essentielles : la confrontation, la négociation et l'arbitrage. Nous avons la mission d'aimer nos confrères, mais nous devons nous rappeler que l'amour nous appelle à dire la vérité, qui n’est pas un jugement ou un désir d'exercer un pouvoir, mais un véritable souci et une préoccupation pour nos confrères. Notre objectif ne devrait jamais être d'embarrasser ou de faire honte, mais plutôt de ramener nos confrères dans le giron de la communauté.
Sur le chemin de la sainteté.
Sur la base de l'analyse ci-dessus, nous retenons que lorsque nous parlons de la vie communautaire en tant que mission, nous faisons particulièrement référence à nos confrères ou aux membres de la communauté en tant que mission spécifique. Certaines conclusions clés peuvent être soulignées, telles que : mon confrère est la mission que je dois aimer, chérir, soutenir, soigner, etc. Ma mission consiste également à sauver mon confrère et à le ramener, s'il s'égare hors du cercle de la communauté. Corriger mon confrère est une expression de mon engagement envers sa croissance spirituelle et de notre bien-être commun. Pour avoir une communauté en bonne santé, nous devons éviter toute sorte de généralisation, de stéréotypes, mais aussi éviter la paresse, l'hypocrisie, et autres. En nous engageant dans ce processus, nous démontrons notre volonté de marcher côte à côte, en nous soutenant et en nous encourageant mutuellement sur le chemin de la sainteté. §