Appelés et envoyés comme témoins de la foi, de l’espérance et de la charité
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par Charles Phukuta, cicm
L’an prochain, nous célébrerons notre 16e Chapitre général ainsi que le bicentenaire de la naissance de notre fondateur, Théophile Verbist. Dans le numéro de juillet-août 2022 de Chronica, Jean-Gracia Etienne introduit une réflexion sur la trilogie, Esprit-âme-corps, que le facilitateur avait présentée aux participants du 15e Chapitre général en expliquant que : « L’âme de la Congrégation ou son cœur est sa capacité d’expérimenter Dieu, d’inspirer et d’animer les peuples, de transformer les membres de ses communautés en disciples de foi, d’espérance et de charité. »1 Cette partie de la trilogie demeure un défi. Par conséquent, au moment de nous préparer au prochain Chapitre général nous avons entrepris une réflexion sur les thèmes de la spiritualité et de la mission, de la réconciliation et de l’interculturalité en nous efforçant de renouveler l’élan apostolique de l’Institut et de nous encourager mutuellement à demeurer fidèles à notre vocation missionnaire religieuse (Cf. Constitutions CICM, art. 110).
Je voudrais vous inviter maintenant à réfléchir plus profondément sur l’importance de la réconciliation et sur notre fraternité universelle au moment de proclamer et d’être des témoins de l’évangile. La fraternité est un élément constitutif de l’Église et de notre foi. Il n’est pas étonnant dès lors que l’article 2 de nos Constitutions nous indique comment nous devons proclamer et être des témoins de l’évangile.
Missionnaires religieux de différentes races et cultures, nous vivons et travaillons ensemble comme des frères. “Un seul cœur et une seule âme”, nous témoignons de la fraternité universelle dans le Christ voulue par le Père. Nous sommes signe de la solidarité des églises particulières dans leur mission universelle.
L’article 45 ajoute de façon réaliste :
Nous reconnaissant pécheurs, nous mettons notre confiance en la miséricorde de Dieu et nous répondons à l’appel du Christ qui veut nous réconcilier avec le Père et entre nous. Nous avons régulièrement recours au sacrement de réconciliation et nous faisons les pas nécessaires pour restaurer toute communion brisée.
En tant que CICM, nous aimons parler de fraternité universelle et de multiculturalité qui répondent à notre désir de communion fraternelle qui se trouve au cœur du message de réconciliation de l’évangile. Pour des missionnaires religieux envoyés à proclamer et témoigner l’évangile, le risque de s’illusionner que le mal est présent à l’extérieur de nous et pas en nous-mêmes existe toujours. Toutefois, nous ne nous comportons pas toujours comme des frères et des enfants d’un Dieu aimant et sommes à l’origine de ruptures entre nous. Par conséquent, nous avons besoin de nous réconcilier régulièrement avec Dieu et les autres ; nous avons besoin de paroles de pardon, source de vie. Lorsque nous devenons conscients qu’il existe une rupture dans notre relation avec un confrère ou quelqu’un d’autre, nous devons aller à leur rencontre, nous excuser ou offrir notre amitié. Lorsque c’est la communauté elle-même qui souffre de telles ruptures, nous sommes invités à assainir la situation.2
En lisant les différents rapports et réflexions sur le Memo de la réconciliation, je suis conscient que notre cheminement nous oriente vers un renouvellement des relations qui existent entre nous et autrui. Au moment de nous préparer au 16e Chapitre général, j’aimerais vous faire part de quelques réflexions afin de nous aider à répondre harmonieusement à ce grand appel à la réconciliation et à la communion fraternelle pour proclamer et témoigner l’évangile dans notre monde en mutation.
Le christianisme est la proclamation de l’évangile en tant que message de fraternité universelle. Dans le contexte actuel de mondialisation, nous, chrétiens, devons encourager et diffuser l’esprit d’une fraternité universelle qui transcende toutes les frontières tout en respectant les différences qui existent entre les cultures. Par conséquent, une fraternité en communauté contribue à la proclamation de la bonne nouvelle. Personne ne peut, sous prétexte de raisons apostoliques, se dégager de la vie fraternelle en communauté. Bien au contraire, cela fait partie intégrante de notre engagement à proclamer et témoigner l’Évangile.
Jésus a raison lorsqu’il nous dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert ; toute ville ou maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir » (Mt 12, 25). Malheureusement, parfois nous vivons des frictions qui rendent la réconciliation et le pardon difficiles. Toutefois, ces deux attitudes sont indispensables pour que la vie fraternelle soit à la fois une proclamation et un témoignage bona fide. Le Pape François fait une observation semblable lorsqu’il en parle dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium (EG).
À ceux qui sont blessés par d’anciennes divisions il semble difficile d’accepter que nous les exhortions au pardon et à la réconciliation, parce qu’ils pensent que nous ignorons leur souffrance ou que nous prétendons leur faire perdre leur mémoire et leurs idéaux. Mais s’ils voient le témoignage de communautés authentiquement fraternelles et réconciliées, cela est toujours une lumière qui attire. Par conséquent, cela me fait très mal de voir comment, dans certaines communautés chrétiennes, et même entre personnes consacrées, on donne de la place à diverses formes de haine, de division, de calomnie, de diffamation, de vengeance, de jalousie, de désir d’imposer ses propres idées à n’importe quel prix, jusqu’à des persécutions qui ressemblent à une implacable chasse aux sorcières. Qui voulons-nous évangéliser avec de tels comportements ? (EG, no. 100)
Il est assez habituel que des conflits éclatent entre membres d’une même communauté. Personne n’est à l’abri des blessures qui rendent la vie en communauté difficile. Pendant nos visites canoniques, nous avons pu observer que de très anciennes blessures qui remontent parfois à des décennies sont encore des plaies béantes. Je reste parfois surpris de constater que d’anciennes querelles perdurent dans certaines communautés. Nous devrions toujours nous demander ce que nous pouvons faire pour trouver une issue. Notre foi chrétienne nous invite à trouver de la force dans l’attitude de Jésus qui, dès que justice et droit ont été respectés, ne propose aucun autre moyen si ce n’est le pardon pour clore le cycle du conflit et des hostilités.
La fraternité authentique ne peut exister que lorsqu’on donne et reçoit le pardon. Nous parlons ici de cette fraternité qui, malgré les différences, est une expérience d’amour qui surmonte les conflits, car les conflits communautaires sont inévitables. D’ailleurs, d’une certaine manière, ceux-ci doivent exister si la communauté veut vivre sincèrement des relations de confiance authentiques. Rêver d’une communauté sans divergences n’est pas réaliste ni bon. Lorsqu’il ne faut supporter aucun conflit dans une communauté, cela signifie qu’il faut changer et améliorer certaines choses.3
Seul le bien peut l’emporter sur le mal (Rom 12:22 ; cf. 1 Pi 3:9). Vivre dans une communauté réconciliée et ouverte à la diversité transforme notre interculturalité en témoignage éloquent démontrant que nous sommes capables de vivre comme des frères et sœurs et par conséquent de proclamer et témoigner l’évangile. De nos jours, beaucoup de nos communautés sont riches de sensibilités culturelles et nationales différentes. Les confrères vivent ensemble dans le respect de leurs différences. Toutefois, il nous faut rester vigilants, car la tendance humaine est de créer des frontières pour nous protéger des différences.
L’appel du Pape est une invitation à examiner notre conscience par rapport à la qualité de notre fraternité et sa capacité de réconciliation. Nos communautés promeuvent-elles et accordent-elles suffisamment de place au pardon et à la réconciliation ? Comment pouvons-nous avoir des communautés où règne la joie s’il n’y a que peu de place pour la réconciliation ? Parfois, nous sommes trop tentés de critiquer librement nos confrères. Sommes-nous conscients qu’une telle attitude qui peut parfois aller jusqu’au dénigrement est une attaque contre la fraternité ?
Ce temps de préparation au Chapitre général est un moment propice de prière et d’espérance joyeuse. Les célébrations du Chapitre général et du Bicentenaire de la naissance de notre Fondateur nous permettent de nous réapproprier et d’approfondir l’essence de notre charisme, d’écouter ce que les gens attendent d’un missionnaire religieux CICM aujourd’hui, d’évaluer et de discerner notre témoignage, notre proclamation et notre vie communautaire ainsi que de donner une nouvelle vitalité à la congrégation.
Pour préparer cette double célébration, recherchons la réconciliation avec la ou les personnes avec lesquelles nous avons une relation difficile ou brisée. En outre, partout où règne le conflit, une retraite spirituelle de réconciliation pendant le prochain carême 2023, avant le Chapitre général pourrait s’avérer très bénéfique – une retraite facilitée par une personne ressource compétente, capable d’encourager et d’interpeller quiconque reconnaît sa part de responsabilité dans le conflit et de l’exprimer ouvertement dans la communauté et est ouvert à s’engager dans une sincère et authentique réconciliation.
Le défi que pose la réconciliation est la ténacité. Il faut aider les opposants à continuer à se parler, à s’écouter avec compassion, à se pardonner et à chercher un juste milieu pour trouver la paix sans jamais y renoncer. Comme nous en exhorte saint Paul :
Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait (Col 3, 12-14).
Ne nous lassons pas de faire le bien (Cf. Gal 6, 9). Ne nous laissons pas voler l’idéal de l’amour fraternel (EG, no. 101)! Et pour finir, je vous souhaite de cheminer en communion vers les célébrations du Chapitre général et du bicentenaire de la naissance de notre Fondateur.
Et pourtant, nous sommes pécheurs.
Nous sommes aussi cause de perturbations
dans les relations.
Nous ne nous comportons pas toujours
en enfants du Dieu d’amour.
Nous avons régulièrement besoin
de nous réconcilier avec Dieu
et avec les autres.
Nous avons besoin de faire
l’expérience des paroles de pardon
qui redonnent vie.
Constitutions CICM. Commentaire, p. 91
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1. Quelle Bonne et Belle Mission ! Actes du 15e Chapitre général, p.4.
2. Constitutions CICM Commentaraire. Chapitre I : Notre Institute, 2e Édition, 2007, p. 90-91.
3. « Réveillez le monde ! 29 novembre 2013, entretien du pape François avec les supérieurs généraux, » in Documentation catholique, n° 2514, p.12-13.